Page:Anglade - Les troubadours, 1908.djvu/263

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dans le Midi de la France à la suite de la croisade contre les Albigeois. De ce nombre furent Peire Cardenal, Bernard Sicart de Marvejols, et, pendant la dernière période de sa vie, son favori N’At de Mons.

Si les troubadours ont fait l’éloge de Jaime Ier[1], ils ne lui ont pas ménagé leurs critiques en une circonstance où il n’a pas secondé leurs désirs comme ils l’auraient voulu. Il s’agit du soulèvement de 1242, fomenté par le comte de la Marche, le comte de Toulouse et autres seigneurs, et qui fut le dernier effort du Midi pour recouvrer son indépendance. Le bruit avait couru que le roi d’Aragon avait promis de secourir le comte de Toulouse, comme l’avait fait son père, mort à Muret pendant la croisade contre les Albigeois. Aussi la déception fut-elle grande quand on apprit que le Conquistador n’était pas intervenu dans cette courte lutte et avait laissé battre les Anglais et leurs alliés à Saintes et à Taillebourg. Voici comment un troubadour exprime son indignation.

Comte du Toulousain, plus j’examine les puissants, plus je vous vois au faîte de l’honneur… Nous avons vu la Marche, Foix et Rodez faire défection tout de suite… Si le roi Jacques, à qui nous n’avons pas manqué de parole, eût tenu ce qui avait été, dit-on, convenu entre lui et nous, les Français, à coup sûr, auraient grande douleur et seraient dans les pleurs… Anglais, couronnez-vous de fleurs et de feuillages. Ne vous donnez aucune peine, même si on vous attaque, jusqu’à ce que l’on vous prenne tout ce que vous avez[2].

Le roi d’Aragon ne paraît pas avoir été très sensible à ces satires et à d’autres bien plus violentes

  1. Sur Jaime Ier d’Aragon, cf. de Tourtoulon, Jaime Ier le Conquérant, roi d’Aragon, Montpellier, 1863-1867, 2 vol..

    N’At de Mons écrivit surtout des poésies religieuses ; voir notre étude sur Guiraut Riquier, passim, et l’introduction à l’édition de N’At de Mons, par M. Bernhard (Altfranzösische Bibliothek, XI).

  2. Montanhagol, éd. Coulet, III.