Page:Anglade - Les troubadours, 1908.djvu/272

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

est au-dessus de tout. C’est aussi la pensée que développe le roi Denis dans la petite pièce suivante.

Quoique je sois très amoureux, je ne désire pas obtenir grand bien de celle que j’aime ; car je vois et je sais que le dommage qu’elle en retirerait serait plus grand que la joie qui pourrait m’en advenir ; qui désire un tel bien estime bien peu l’honneur de sa dame.

Puisque je m’appelle et que je suis son serviteur, ce serait une grande trahison, si pour le bien qu’elle me donnerait ma dame gagnait mal et injustice. Tous les parfaits amants m’approuveront[1].

Ceci est tout à fait dans le ton des troubadours provençaux comme la chanson suivante, du même roi Denis.

Je désire à la manière provençale faire maintenant un chant d’amour ; je voudrais y louer ma dame, à qui ne manque ni le mérite, ni la beauté, ni la bonté. J’ajouterai encore : Dieu la fit si parfaite en toutes qualités qu’elle vaut mieux que toutes les dames du monde. Dieu voulut, en créant ma dame, lui donner la connaissance de tout bien et de toute valeur… et il lui fit un grand honneur quand il ne permit pas qu’aucune autre lui fût égale. En ma dame Dieu ne mit jamais le mal ; il y mit mérite et beauté, lui apprit à bien parler et à mieux sourire qu’aucune autre femme[2].

L’imitation est heureuse et le roi poète s’est bien assimilé la manière des troubadours.

Cependant ce serait une erreur de croire que les poésies du roi Denis et les autres œuvres de l’école galicienne doivent tout à l’imitation provençale.

  1. Ibid., no 73.
  2. Ibid., no 43.