Page:Anglade - Les troubadours, 1908.djvu/271

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
sont venues de vous, dame ; me voici en votre prison, traitez-moi mal ou bien.

Jamais je n’ai osé vous conter, dame de mon cœur, les maux que vous m’avez fait souffrir ; me voici en votre prison, vous pouvez me guérir ou me tuer[1].

Voici encore un trait important qui rappelle d’une façon précise l’étroite parenté des poésies provençale et portugaise.

C’est un honneur, dans l’une comme dans l’autre, d’aimer « en haut lieu », c’est-à-dire de choisir comme objet de son amour une femme à qui l’on supposait toutes les qualités de l’esprit plutôt que du cœur. La dame ainsi choisie, disent souvent les troubadours, mériterait la couronne. C’est le thème que développe le roi Denis dans la chanson suivante.

Puisque Dieu, dame, vous a toujours fait faire du bien le meilleur et qu’il vous a donné tant de connaissance, je vous dirai une vérité, s’il plaît à Dieu : vous étiez faite pour un roi.

Et puisque vous savez toujours comprendre et choisir le meilleur, je veux vous dire une vérité, dame que je sers et que je servirai : puisque Dieu vous créa ainsi, vous étiez bonne pour un roi.

Puisque Dieu n’en fit jamais de semblable, et qu’il n’en fera jamais de semblable pour l’intelligence et les belles paroles, si Dieu voulait en disposer ainsi, vous étiez faite pour un roi[2].

Citons enfin du même roi Denis deux pièces où l’imitation est des plus caractéristiques. Dans la conception de l’amour courtois, telle que l’ont créée les troubadours provençaux, l’honneur de la dame aimée

  1. Ibid., no 59.
  2. Ibid., no 16.