Page:Anglade - Les troubadours, 1908.djvu/291

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et la requête de Guiraut Riquier est unique en son genre.

Elle prouve que la Croisade contre les Albigeois, malgré ses atrocités, avait laissé peu de rancunes dans les cœurs. Sans doute Guiraut Riquier, semblable en cela à la plupart des troubadours, est un poète besogneux, et sa petite patrie, Narbonne, avait eu peu à souffrir de la guerre ; elle avait évité le sort de Béziers et de Carcassonne en se déclarant pour Simon de Montfort. De plus, après la révolte de 1242, où les principaux seigneurs du Midi s’allièrent avec les Anglais contre le roi de France, celui-ci avait fait preuve de beaucoup de générosité. Mais les mêmes sentiments sont communs à tous les troubadours du temps, c’est-à-dire de la seconde moitié du xiiie siècle. Le ressentiment contre les conquérants du Nord fut d’abord violent et se manifesta par d’énergiques sirventés comme ceux de Peire Cardenal, de Bernard Sicart de Marvejols, de Guillem Figueira ou d’Aimeric de Péguillan. Mais ce sont là des contemporains de la croisade, des témoins peut-être des scènes d’horreur de Béziers et de Toulouse : on comprend chez eux la violence ou la ténacité de la haine. La génération suivante n’a pas hérité de ces ressentiments. La population s’était assez vite ralliée au nouveau régime, et les troubadours, image de la société de leur temps, n’ont plus eu ni une parole de révolte ni un regret.

On peut juger de l’accueil qui fut réservé, à la cour de saint Louis, à la supplique de notre trouba-