Page:Anglade - Les troubadours, 1908.djvu/297

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Riquier mourut dans les dernières années du xiiie siècle. Une de ses dernières poésies est touchante de tristesse et de sincérité.

Je devrais m’abstenir de chanter, car au chant convient l’allégresse, et un tel souci m’oppresse qu’il m’attriste complètement, quand je me remémore le pénible temps passé, que je considère le triste temps présent et que je songe à l’avenir : ce sont là tout autant de motifs de pleurer.

C’est pourquoi mon chant, qui est sans allégresse, ne devrait pas avoir de charme, mais Dieu m’a donné un tel talent qu’en chantant je retrace ma folie, mon bon sens, ma joie, mon déplaisir, ce qui me nuit et ce qui m’est utile ; car autrement je ne dis presque rien de bien ; mais je suis venu trop tard.

C’était un monde déjà trop vieux que celui où il vécut et la poésie n’y jouissait guère de la considération qu’elle avait connue dans l’âge précédent.

Mais le dernier troubadour eut, comme ses prédécesseurs, l’orgueil de son art. Pendant sa vie errante voici comment il se consolait de sa misère : « De mon agréable richesse (c’est-à-dire le talent poétique) que nul ne peut m’enlever, je sais gré à la noble dame que j’adore et plus encore, s’il se pouvait, à l’amour. » C’est cet orgueil de poète qui fait l’intérêt de sa vie. Ce dernier représentant de la poésie provençale se fait remarquer en pleine décadence par un souci très vif de son art : par ce côté de son talent il est bien de la race des grands troubadours.

Son œuvre est des plus variées. Il est un virtuose