Page:Anglade - Les troubadours, 1908.djvu/298

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en métrique, pour l’agencement des strophes et des rimes. Comme chez la plupart des troubadours de la décadence, les poésies morales, didactiques et religieuses y tiennent une grande place. Mais curieux d’originalité il a inventé des genres nouveaux et a essayé de donner une vie nouvelle à des genres anciens. Il y a admirablement réussi dans ses pastourelles. Les six qui nous restent de lui forment un groupe à part dans son œuvre. Il met en scène la même bergère, jeune fille dans la première pièce, mère de famille dans les dernières. Il y a là une sorte de drame, dont l’action se prolonge à travers plusieurs années ; dans les différents actes le dialogue est vivant, animé, brillant, surtout par suite d’un artifice de style qui consiste à enfermer demandes et réponses dans un ou deux vers.

La première pastourelle débute par un gracieux tableau qui est d’ailleurs de style dans ce genre.

L’autre jour j’allais le long d’une rivière, me réjouissant tout seul ; car l’amour me conduisait et me poussait à chanter. Je vis une gaie bergère, belle et avenante, qui gardait ses agneaux. Je me dirigeai vers elle ; je la trouvai fière, avec un air convenable ; elle me fit bonne mine à ma première demande.

Car je lui demandai : « Jeune fille, fûtes-vous aimée et savez-vous aimer ? » Elle me répondit sans détour : « Seigneur, sûrement je me suis déjà promise. — Jeune fille, puisque je vous ai rencontrée, je serais heureux si je pouvais vous plaire. — Vous m’avez trop cherchée, sire ; si j’étais folle, je pourrais y penser. — Cela ne vous plaît pas ? — Non, seigneur, ni ne doit me plaire…

— Jeune fille, ne craignez pas que je vous veuille honnir.