Page:Anglade - Les troubadours, 1908.djvu/309

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glorieusement, si elle continue à se conformer au précepte exprimé avec autant de simplicité que de force par l’auteur de Mireille : « Nous ne chantons que pour vous autres, ô pâtres et paysans. » Laissons de côté ce que l’expression a d’exagéré ; les plus délicats se sont laissé prendre depuis longtemps au charme de cette poésie nouvelle ; mais c’est bien en revenant à la vérité et à la sincérité, que Jasmin, Mistral, Aubanel, Roumanille et Félix Gras, pour ne citer que les plus grands, ont retrouvé les sources de la vraie poésie. Il appartient à leurs successeurs, « à ceux qui aiment la gloire et qui ont le cœur vaillant », de s’inspirer du même principe, s’ils veulent empêcher la nouvelle poésie de mourir prématurément, comme est morte l’ancienne. La « Croisade contre les Albigeois » n’aurait peut-être pas suffi à tuer la poésie des troubadours, si elle n’était devenue de bonne heure une poésie trop conventionnelle. La convention et l’artifice peuvent donner l’illusion de la vie ; ils ne la remplacent pas.

Mais il est temps de revenir en arrière pour jeter un coup d’œil définitif sur le passé. On peut se rendre compte maintenant de la place qu’occupe dans l’histoire des littératures romanes la poésie des troubadours. Elle a fourni des modèles à la plupart d’entre elles ; elle a été une mère féconde, et elle a le droit d’être fière de ses enfants. C’est la France du Midi qui a enseigné à ces littératures naissantes à exprimer sous une forme artistique les sentiments les plus doux les affections les plus chères qui aient