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crit d’un savant moine, né au début du xve siècle, au monastère de Saint-Honorat, dans l’île de Lérins, et qui s’appelait du joli nom de Moine des Îles d’Or. C’était un mythe. On crut pendant longtemps à cette supercherie ; ce n’est que dans le dernier siècle qu’on a exprimé des doutes ; et tout récemment enfin le savant provençaliste Chabaneau a fait connaître le mot de l’énigme : le Moine des Îles d’Or n’est autre chose que l’anagramme du nom d’un ami de Nostradamus[1]. Telle était la source principale de ses récits : qu’on juge par là des autres. Ce fut une belle mystification, une galéjade littéraire : elle n’a que trop bien réussi ; les inventions de Nostradamus ont eu la vie dure, presque autant que les Centuries de son frère aîné, Michel de Nostredame, le prophète.

Laissons de côté son livre suspect sur la vie des « plus anciens et plus illustres poètes provençaux ». C’est un travail trop délicat que d’y démêler la vérité du mensonge.

L’autre source pour la vie des troubadours est formée par un recueil de biographies provençales écrites vers le milieu du xiiie siècle par plusieurs chroniqueurs.

On connaît le nom de deux d’entre eux ; mais la plus grande partie est anonyme, et c’est une question de savoir si on doit les attribuer à l’un de ceux qui ont signé leurs récits. Quel que soit l’auteur, on doit lui reconnaître, à défaut de sens historique, le sens poétique. Lui aussi a raconté la vie légendaire des troubadours, parce que déjà de son temps on ne con-

  1. Jean de Nostredame, Vies des plus célèbres et anciens poètes provençaux, Lyon, 1575. M. Chabaneau préparait depuis de nombreuses années une réédition de cet ouvrage. Nous la publierons le plus tôt possible. Cf. Chabaneau, Le Moine des Îles d’or, Annales du midi, 1907.