Page:Anglade - Les troubadours, 1908.djvu/47

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spectres ; ils vont de côté et d’autre, pendant que la lune laisse tomber ses rayons par les fenêtres gothiques.

Mais, repoussant ces gracieux fantômes, à la fin revient l’aurore ; et ils rentrent craintifs dans le mur, dans la tapisserie.

Enfin une des plus romanesques biographies est bien celle du toulousain Peire Vidal, dont la carrière poétique s’étend sur la première partie du xiiie siècle. Il semble avoir été doué d’une imagination fertile et touché d’un grain de folie. Son imagination ne dépassait peut-être pas celle du chroniqueur qui lui a prêté de si étranges aventures. Épris d’inconnu Peire Vidal partit pour l’Orient et se maria avec une Grecque de l’île de Chypre. « On lui donna à entendre, raconte son biographe, qu’elle était nièce de l’empereur de Constantinople et qu’à cause d’elle il avait des droits à l’empire. » Il n’en fallait pas davantage pour mettre en branle son imagination et son ambition. Il employa son argent à faire construire un vaisseau pour aller conquérir l’empire. « Et il portait des armes impériales, se faisait appeler empereur et sa femme impératrice. »

Voilà pour la folie des grandeurs. Mais ce n’était pas la seule dont la nature l’eût généreusement doté. « Il était l’homme le plus fou du monde, dit la chronique, car il croyait que tout ce qui lui plaisait ou qu’il voulait était vrai. » Et c’est ainsi qu’il s’éprenait de toutes les dames qu’il voyait et qu’il leur faisait des déclarations. Ces femmes d’esprit se moquaient de lui, mais « lui laissaient croire tout ce qu’il