Page:Anglade - Les troubadours, 1908.djvu/48

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voulait ». « Et il croyait, continue le chroniqueur, qu’il était l’ami de toutes et que chacune se donnerait la mort pour lui. »

Mal lui en prit cependant avec Azalaïs, femme du seigneur de Marseille, Barral de Baux.

Le seigneur Barral, dit la chronique, savait bien que Peire Vidal aimait sa femme et il s’en amusait. Tous ceux qui le savaient, ainsi que sa femme, le prenaient en riant. Et quand Peire Vidal s’irritait contre elle, le seigneur Barral remettait aussitôt la paix, et lui accordait par pitié tout ce qu’il demandait. Un jour Peire Vidal apprit que Barral s’était levé et que la dame était seule en sa chambre. Il vint devant elle, la trouva endormie, s’agenouilla et lui baisa la bouche. Elle sentit un baiser, crut que c’était le seigneur Barral et se leva en souriant. Elle regarda et vit que c’était ce fou de Peire Vidal ; alors elle se mit à crier et à faire grand bruit. Ses demoiselles d’honneur vinrent à ses cris et demandèrent ce que c’était. Et Peire Vidal s’enfuit.

La dame fit appeler son mari ; mais les troubadours avaient décidément des privilèges : « Barral, comme un galant homme, prit l’aventure en riant ; et il gronda sa femme d’avoir fait tant de bruit pour l’acte d’un fou. »

La dame exigea le départ du troubadour, qui se réfugia à Gênes. Là, ayant appris qu’Azalaïs le poursuivait de ses menaces, il passa outre-mer. Il se consolait par des chansons, sans oser revenir en Provence. Enfin Barral de Baux, qui aimait beaucoup son poète, obtint son pardon, le lui manda en Syrie, et Peire Vidal, pardonné, revint joyeusement à Marseille.