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en une parfaite joie naturelle ; il me repaît, me guide et me soutient ; nul autre objet ne me réjouit, nul autre ne me fait vivre[1].

Raimbaut d’Orange commence ainsi une de ses chansons :

Je ne chante ni pour oiseau, ni pour fleur, ni pour neige, ni pour gelée, ni pour neige, ni pour chaleur,… je ne chante pas, je n’ai jamais chanté pour nulle joie de ce genre, mais je chante pour la dame à qui vont mes pensées et qui est la plus belle du monde[2].

Ces débuts ne manquent pas de grâce, ni les précédents de poésie. Les premiers surtout rappellent par leur fraîcheur les origines populaires de la chanson courtoise. Ils expriment à merveille la joie de vivre qui s’empare des hommes et des choses à la sortie de l’hiver. Seulement ces débuts se ressemblent trop ; ils fatiguent par leur monotonie ; le charme disparaît assez vite. C’est certainement la partie la plus conventionnelle de la chanson. Qui en connaît quelques-uns connaît du même coup tous les autres. Le thème est trop simple et surtout il reparaît trop souvent. Ce n’est pas d’ailleurs la seule partie conventionnelle de la chanson. Pour le fond, la convention y règne aussi en souveraine ; mais ce n’est pas le lieu d’y insister ici ; renvoyons-en l’étude au chapitre consacré à la doctrine de l’amour courtois.

Un autre genre lyrique dispute presque la première place à la chanson dans la poésie provençale c’est le sirventés[3] (fr. serventois). On n’est pas d’accord

  1. Peire Rogier, Tan no plou ni venta (M. W. I, 120 ; Gr., 8).
  2. Raimbaut d’Orange, Non chant per auzel ni per flor (M. W. I, 77 ; Gr., 32).
  3. Sirventés : la vraie forme provençale est sirventes ; nous l’accentuons pour mieux marquer que l’accent doit porter sur la dernière syllabe.