Page:Anglade - Les troubadours, 1908.djvu/75

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pastourelles de leur donner un tour dramatique. Elles se rapprochent à ce point de vue des débats que sont les tensons.

De la pastourelle on rapproche ordinairement la romance. Dans la littérature du Nord de la France surtout ce rapprochement est légitime. On entendait par romance le récit d’une aventure d’amour fait par le poète, sous forme dialoguée. Par le contenu la romance est donc d’un caractère narratif ; mais par la forme elle appartient à la poésie lyrique et par le dialogue surtout elle se rapproche de la pastourelle. Les exemples en sont très nombreux dans la littérature de langue d’oïl ; ils sont au contraire très rares dans la poésie des troubadours.

Cette rareté est très regrettable, si on en juge par les modèles qui nous restent, et dont les meilleurs sont, comme la pastourelle citée plus haut, du troubadour gascon Marcabrun. Voici la traduction de l’une de ces deux pièces. Elle est comme un écho des sentiments qui agitaient, au milieu du xiie siècle, le cœur d’une jeune femme dont l’ami était parti pour la croisade.

À la fontaine du verger, où l’herbe est verte sur le gravier, à l’ombre des beaux arbres, pendant que je cherchais de nouveaux chants et de blanches fleurs, je trouvai seule, sans compagnon, celle qui ne voulait pas de consolation.

C’était une damoiselle au corps très beau, fille du seigneur du château ; et, comme je croyais que les oiseaux et la verdure lui causaient de la joie et qu’elle écoutait mon badinage, elle changea tout à coup de couleur.

Elle pleura des yeux et soupira du fond du cœur :