Page:Anglade - Les troubadours, 1908.djvu/77

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

deur ni de majesté, mais qui révèle, si l’on songe à la situation, un fonds ineffable de paganisme.

Roi glorieux, roi de toute clarté,
Dieu tout-puissant, j’implore ta bonté !
À mon ami prête une aide fidèle ;
Hier au soir il m’a quitté pour elle,
Et je vois poindre l’aube.

Beau compagnon, vous dormez trop longtemps ;
Réveillez-vous, ami, je vous attends,
Car du matin je vois l’étoile accrue
À l’Orient ; je l’ai bien reconnue,
Et je vois poindre l’aube.

Beau compagnon, que j’appelle en chantant,
Ne dormez plus, car voici qu’on entend
L’oiseau cherchant le jour par le bocage,
Et du jaloux je crains pour vous la rage,
Car je vois poindre l’aube.

Beau compagnon, le soleil a blanchi
Votre fenêtre, et vous rappelle aussi ;
Vous le voyez, fidèle est mon message ;
C’est pour vous seul que je crains le dommage,
Car je vois poindre l’aube.

Beau compagnon, j’ai veillé loin de vous
Toute la nuit, et j’ai fait à genoux
À Jésus-Christ une prière ardente,
Pour vous revoir à l’aube renaissante,
Et je vois poindre l’aube.

Beau compagnon, vous qui m’aviez tant dit,
Sur le perron, de veiller sans répit,
Voici pourtant qu’oubliant qui vous aime,
Vous dédaignez ma chanson et moi-même,
Et je vois poindre l’aube.

— Je suis si bien, ami, que je voudrais
Que le soleil ne se levât jamais !
Le plus beau corps qui soit né d’une mère
Est dans mes bras, et je ne m’émeus guère
Du jaloux ni de l’aube[1].

  1. Ibid., p. 80.