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Page:Anglas de Praviel - Scènes d’un naufrage ou La Méduse.djvu/45

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La Providence avait décidé que nous éprouverions toutes les angoisses, et que nous ne péririons pas. Quelle nuit affreuse !

La grosse mer et l’obscurité abattaient notre courage. Un seul mouvement faux imprimé au timon, et c’était fait de nous. Mais le courage et le sang-froid d’Espiaux nous sauva du danger que nous avions à redouter.

Le matin nous reprîmes notre route à l’Est ; le vent fraîchit au lever du soleil, et la mer était fortement houleuse ; nous avions tout à redouter.

La chaloupe s’élevait avec peine sur la lame, et semblait n’en descendre que pour s’engloutir. Plus le jour avançait, plus le vent soufflait avec violence. Si nous ne nous fussions pas opposés tous, comme une sorte de rempart vivant, au lames qui nous assaillaient, et si trois des soldats ne se fussent pas mis à vider, avec leurs schakos, l’eau qui entrait malgré toutes nos précautions la chaloupe était submergée.

Que l’on se représente quatre-vingt-dix infortunés abandonnés sur un frôle esquif, à la fureur des flots, et luttant ainsi avec les ondes prêtes à engloutir leur proie ; quel spectacle et surtout quelle leçon pour celui qui ose nier la Divinité !

Cependant, vers les huit heures le vent se calma et nous pûmes prendre une meilleure direction ; à neuf heures nous vîmes la terre