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Page:Anglas de Praviel - Scènes d’un naufrage ou La Méduse.djvu/46

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et portés par le vent, nous ne tardâmes pas à rapprocher ; le grappin fut jeté.

Afin de ne pas échouer, on fila la corde, et nous fûmes assez heureux pour venir près de terre à un mètre d’eau ; mais lorsqu’il fallut quitter cette chaloupe sur laquelle nous avions vu tant de fois la mort de près, tout le monde s’y refusa.

Traverser un désert affreux sans aucun moyen d’existence, se livrer aux attaques des bêtes féroces et aux mauvais traitements des Maures, étaient autant de dangers grossis par l’imagination désordonnée de mes compagnons d’infortune.

Nous n’avions que deux partis à prendre, celui de rester sur la chaloupe, où nous aurions infailliblement fini par sombrer ou chavirer, ou l’abandonner pour aller nous exposer dans le désert à des dangers d’une autre nature.

Dans cette position, ce n’était pas un ordre, mais un exemple qu’il fallait donner. Je ne balançai pas et je descendis le premier avec l’adjudant Petit et le naturaliste Léchenaux ; les soldats auxquels se joignirent quelques marins et passagers, descendirent comme nous.

Avant de prendre ce parti décisif, j’avais fait mes adieux au brave Espiaux, je lui avais recommandé, s’il échappait à la mort, de prévenir ma famille qu’il m’avait débarqué dans le désert de Zahara ; il me le promit, les yeux baignés de larmes.