ces essais d’amateur ; il avait trop de bon sens et trop de bon goût. Plein d’énergie et de patience, il rêvait des œuvres plus personnelles et originales. Il cherchait sa voie. Peu-à-peu ses recherches prirent une direction : ses pensées eurent un but, elles revêtirent une forme. Il esquissa à larges traits le plan de deux poëmes et se mit à l’œuvre.
Sa profonde connaissance de l’Antiquité latine l’avait initié aux mystères de la vie romaine. Sa jeune imagination s’exalta au spectacle entrevu de Rome et de sa civilisation.
…Quid melius Roma ?
dit-il après Ovide. Il voulut ressusciter la grande ville
païenne avec sa corruption et ses élégances, relâcher
la ceinture des draperies antiques et déshabiller en
quelque sorte la gens togala ; il voulut faire défiler,
comme dans un carnaval immense, véritables masques
ou féroces ou bouffons, édiles gourmands, rhéteurs
faméliques, gladiateurs superbes, légionnaires stupides,
muletiers ivrognes, parasites éhontés, sorcières, danseuses,
courtisanes et empereurs. Il fit Melœnis.
Gustave Flaubert, qui avait entendu la lecture de la première partie du poëme avant son départ pour l’Orient, à son retour, trouva terminé l’ouvrage de son ami. Bouilhet était arrivé à un moment critique. Le poëme était fait : mais il fallait le publier. Le hasard vint cette fois à l’aide du poëte. La Revue de Paris, fondée par Véron et disparue un moment, allait renaître, grâce aux efforts de MM. Arsène Houssaye et Maxime Ducamp, de Théophile Gautier et Louis de Cormenin. Bouilhet fut invité par M. Maxime Ducamp, dont il avait fait connaissance à Groisset, chez Gustave Flaubert, à publier Melœnis, Le second numéro de la nouvelle revue (novembre 1851) inséra le poëme tout entier avec ces mots en tête : à Gustave Flaubert. Bouilhet ! Flaubert !