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LOUIS BOUILHET

arrivée à Rouen, il se sentit atteint d’un malaise indéfinissable et dont il ne se rendait pas compte plus que Flaubert. Il devenait triste, dormait mal et ne pouvait étancher sa soif. Pour se distraire, il essaya différents travaux, il annotait Dubartas, relevait dans Origène les passages de Celse et terminait sa dernière pièce, Mademoiselle Aïssé. Il n’eut pas le temps de la relire. Le mal dont il était atteint, une albuminurie consécutive d’une néphrite, avait pris une gravité exceptionnelle. D’après les conseils des médecins, il avait quitté Rouen pour se rendre à Vichy. Là, son état ne fit qu’empirer, et le docteur Villemin le renvoya à Rouen sans délai. Il était frappé à mort. Le 18 juillet 1869, il expirait presque sans agonie.

Voici comment Gustave Flaubert raconte dans une lettre adressée à M. Maxime Ducamp les derniers instants de son ami :

» Mon bon vieux Max,

» J’éprouve le besoin de t’écrire une longue lettre ; je ne sais pas si j’en aurai la force ; je vais essayer.

» Depuis qu’il était revenu à Rouen, après sa nomination de bibliothécaire (août 1867), notre pauvre Bouilhet était convaincu qu’il y laisserait ses os. Tout le monde, — et moi comme les autres, — le plaisantait sur sa tristesse. Ce n’était plus l’homme d’autrefois, il était complètement changé, sauf l’intelligence littéraire, qui était restée la même. Bref, quand je suis revenu de Paris, au commencement de juin, je lui ai trouvé une figure lamentable. Un voyage qu’il a fait à Paris, pour Mademoiselle Aïssé, et où le directeur de l’Odéon lui a demandé des changements, dans le second acte, lui a été tellement pénible, qu’il n’a pu se traîner que du chemin de fer au théâtre. En arrivant chez lui, le dernier dimanche de juin, j’ai trouvé le docteur P…, de