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LOUIS BOUILHET

rien n’a démentie, et dont le refus, in articulo mortis, d’un mariage longtemps rêvé, est la preuve éclatante[1].

La nouvelle de la mort de Bouilhet répandit dans Rouen la tristesse. Nul n’est prophète dans son pays, dit le vieux proverbe. Bouilhet était du moins poète dans le sien. Rouen aimait Bouilhet comme Bouilhet aimait la vieille cité normande, témoin de ses premières études, témoin de ses premières luttes, témoin de ses premiers travaux, témoin de ses premières espérances. Rouen aimait son poète peut-être sans trop connaître ses œuvres. On se plaisait à le rencontrer dans les rues avec sa haute stature et sa fière prestance ; on se plaisait, en se promenant le long des haies de la rue Bihorel, à se montrer une modeste maisonnette blanche au fond d’un jardin, et à dire : « C’est la maison de Louis Bouilhet. » On était heureux de le voir à la Bibliothèque et de lui parler, quand l’occasion se présentait. Son affabilité, sa bonhomie, sa complaisance courtoise lui avaient conquis les sympathies des visiteurs et même de ses subordonnés. L’empressement que les Rouennais mirent à assister à ses funérailles démontre qu’il avait su se concilier bien des affections. Le corps de Bouilhet fut déposé au Cimetière Monumental, tout près du caveau qui s’est ouvert, il y a quelque temps, sur la dépouille de Gustave Flaubert, comme si la tombe avait voulu rapprocher encore dans la mort ceux que la vie avait si bien unis. Un monument, dû à une souscription où je relève les noms de George Sand et d’Alexandre Dumas, a été édifié dans une des principales rues de Rouen, prés du Musée Bibliothèque. Ce monument, peu gracieux d’ailleurs, qui se compose d’une fontaine surmontée d’un buste dû au ciseau du

  1. Maxime Ducamp, Souvenirs littéraires.