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SA VIE — SES ŒUVRES

sculpteur Guillaume, a une véritable histoire[1]. Ce n’est pas sans peine que Flaubert put lui obtenir de la municipalité une place sur la voie publique. L’administration montra peu d’empressement. Un membre du Conseil municipal, dans un rapport fait au Conseil, estima qu’il n’y avait point lieu d’accueillir la demande, de Gustave Flaubert, parce que Bouilhet n’était point né à Rouen, et parce que son talent poétique n’était que d’un ordre inférieur. Flaubert ne put se contenir ; il adressa à la municipalité une lettre virulente[2], dont le souvenir n’est pas encore effacé, et où le pauvre conseiller municipal, qui avait à sa vie commis quelques rimes, était houspillé brutalement.

Le poëte mourait laissant un certain nombre d’œuvres inédites. Gustave Flaubert, avec un dévouement admirable se chargea de les publier. La tâche ne fût point toujours agréable. Le 6 janvier 1872, le drame Mademoiselle Aïssé était représenté à l’Odéon ; les Dernières Chansons étaient livrées à l’impression. Une préface magistrale de Gustave Flaubert les précédait. Cette introduction ne fut pas du goût de Mme Louise Colet ; elle suscita chez cette muse irascible une fureur pindarique. Flaubert reçut d’elle une lettre anonyme, en vers, où elle le représentait comme un charlatan qui bat la grosse caisse sur la tombe de son ami, un pied plat qui fait des turpitudes devant la critique, après avoir adulé César »[3]. Ce ne fut point le seul désagrément que Flaubert eut à supporter en s’occupant des œuvres posthumes de son ami. La publication d’Aïssé et des Der-

  1. Il a été inauguré le 24 août 1882. — Un monument dû à l’initiative d’un journal de Rouen, le Rabelais, a été élevé sur la principale place de Cany le 27 mai 1883. Il est dû au sculpteur, M. Devaux, qui a su rappeler avec bonheur les traits graves et doux du poète.
  2. Gustave Flaubert, Lettre à la municipalité de Rouen à propos d’un vote concernant Louis Bouilhet, Paris, Michel Lévy, 1872.
  3. Correspondance de G. Flaubert avec George Sand, Lettre LXVII.