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LOUIS BOUILHET

l’effrayante immensité de l’espace et du Temps. Il lui a semblé que les âges passés, et même les âges futurs ! devaient révéler leurs secrets à la curiosité inquiète et hardie du poëte.

Il a écrit Les Fossiles.

Les Fossiles ! Il faut une certaine audace pour intituler un poëme Les Fossiles. « — S’occuper avec les savants des mondes primitifs, passe encore ! mais s’en occuper avec un poëte ! Qu’y a-t-il à gagner à semblable besogne ? Que nous apprendra-t-il ? Qu’y a-t-il de commun entre la Science et la Poésie ? » — dira l’un. « — Les Fossiles ! de la poésie antédiluvienne ! que ce doit être ennuyeux ! » — dira l’autre. Sans se déconcerter, Bouilhet s’est mis à l’ouvrage, et de son labeur est né un poëme remarquable, unique peut-être par le genre et la forme dans notre littérature. C’est l’œuvre la plus difficile qu’aît tentée un poëte », s’écriait Théophile Gautier. On n’a pas toujours rendu justice aux Fossiles, Naguère encore M. Caro, dans une étude intitulée la Poésie scientifique au XIXe siècle, en parlant du poëme philosophique, la Justice, de M. Sully-Prud’homme, disait que c’est pour la seconde fois dans l’histoire des lettres françaises que se produit la tentative sérieuse d’une poésie scientifique. Il passe en revue les poëtes qui ont essayé de retremper l’inspiration à cette source merveilleuse de la Science, mais il a soin de ne point parler de Louis Bouilhet. N’en déplaise à M. Caro, cet oubli est souverainement injuste ; car le poëme Les Fossiles a pu sans exagération être appelé par Gustave Flaubert « le seul poëme scientifique » de toute la littérature française.

Lorsque Bouilhet en traça le plan et se mit à l’écrire, il n’était point sans prévoir les difficultés de sa tâche, mais il avait aussi conscience de sa valeur. Pour l’encourager, d’illustres exemples étaient présents à sa mémoire. Il savait que Virgile avait pu dans ses Bucoliques.