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Page:Angot - Louis Bouilhet, 1885.djvu/59

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SA VIE — SES ŒUVRES

résumer harmonieusement une véritable cosmogonie[1]. Horace, il ne l’ignorait point, avait su également dans ses vers chanter d’une façon poétique « les Fastes » du Monde et faire la première histoire des sociétés[2]. Notre poëte n’avait-il pas encore l’exemple d’André Chénier, de Lebrun, de Chenedollé, et de Fontanes dans sa première jeunesse ? Il savait que l’idée d’un nouveau de naturà rerum avait toujours hanté le puissant cerveau de Goethe. Y a-t-il, après tout, dans l’histoire des premières époques de la Nature, la naissance et les destinées de l’Homme, un sujet tellement anti-poétique ? Après Lucrèce, après Virgile et Horace, Bouilhet a prouvé le contraire. « L’imagination seule peut retracer l’histoire de l’Humanité primitive. »[3] C’est parce que l’histoire des premiers âges du Monde et la pénétration, pour ne pas dire l’histoire de l’Avenir, sont encore à l’état d’enfance et réduites aux hypothèses, que le sujet n’est pas rebelle à la poésie. Il n’a point encore pour écueils la rigueur inflexible des méthodes, l’aridité des

  1. Bouilhet a du se rappeler cet hymne qui s’échappe à flots pressés de la bouche d’un dieu :

    Namque canebat, uti magum per inane coacta
    Semina terrarumque animœque maris que fuissent
    Et liquidi simul ignis : ut his exordia primis
    Omnia et ipse tener mundi concreverit orbis,
    Tum durare solum et discludere Nerea ponto
    Cœperit et rerum paulatim sumere formas :

    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


    Incipiant silvœ quum primum sugere, quumque
    Rara per ignotos errent animalia montes… »

    Virgile, Egl. vi, Silène, 31. — Comparez Orphée, Argonaut., v. 417, Apollonius, id. ch. II, v. 496.
  2. …Cum prorepserunt primis animalia terris,
    Mutum et turpe pecus, glandem at que cubilia propter
    Unguibus et pugnis, dein fustibus, at que ita porro
    Pugnabant armis, quœ post fabricaverat usus,
    Donec verba, quibus voces sensusque notarent,
    Nomina invenere ; debinc absistere bello
    Oppida cœperunt munire et ponere leges…

    Satires, I, 3, 99.
  3. Martha, Le poëme de Lucrèce, 2e éd., p. 300.