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SA VIE — SES ŒUVRES

quand il décrit la modeste chapelle et redit d’une façon pénétrante la prière émue de sa compagne agenouillée à l’ombre du sanctuaire !…[1].

Laissons ces comparaisons qui ne sont point un moyen sérieux de critique. Chaque poëte a son accent, et c’est le caractère particulier et le ton de cet accent qui contribuent le plus souvent à marquer son originalité. Pourquoi, comme le dit Gustave Flaubert, au lieu d’entrer dans l’intention de l’auteur, le chicaner sur mille choses en dehors de son sujet, en réclamant toujours le contraire de ce qu’il a voulu ? Ne vaut-il pas mieux continuer notre marche, en signalant au lecteur les morceaux qui font le mieux connaître le talent de Louis Bouilhet ?

Dans les Fossiles, il a chanté la genèse du monde, la création, l’industrie et les destinées de l’Homme. Deux pièces : la Terre et les Étoiles, les Rois du Monde peuvent servir, pour ainsi dire, de prélude aux Fossiles.

Les Astres disent à la Terre : Où vas-tu, monde bruyant et audacieux ? quel enfantement te travaille ? — Et la Terre dit aux Étoiles : Je ne suis qu’une ouvrière. Mon maître, c’est un hôte inconnu, c’est l’Homme qui broie l’herbe de mes plaines, qui plonge son bras nu dans mes entrailles pour en tirer des trésors. Mon tyran traverse les mers, pétrit l’argile et asservit la foudre.

… Pourtant dans ma douleur amère
J’aime l’Homme, ainsi qu’une mère
L’enfant qui la frappe et la mord…

Voici une brillante et saisissante image de l’activité de l’Homme et de son industrie qui tourmente la matière et la transfigure. Le tableau se continue dans les Rois du Monde, avec cette pensée philosophique que tout dans la nature est destiné à périr suivant la volonté de Dieu,

  1. Victor Hugo, les Chants du crépuscule, dans l’église de…