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l’école et la nation en france

ne faudrait pas juger avec les idées et les sentiments qu’on aura trente ans plus tard.

Il faut se demander ce qu’eût été le moral d’un peuple chez qui n’aurait pas vibré instantanément, au lendemain du désastre, ce cri de révolte, ce cri d’espoir quand même, poignant, farouche, brutal. On manquerait de justice envers les premiers disciples de Fichte comme envers les premiers manifestants de la « Ligue des patriotes » en leur reprochant la véhémence de certains propos, l’outrance de certaines attitudes. Que plus tard le nationalisme ait parfois dénaturé, parfois exploité pour des fins politiques les généreux emportements de la première heure, qu’importe ? À leur heure, il y a des exaspérations qui sont la sagesse même sous les dehors de la folie.


II


Mais ici doit s’arrêter le parallèle entre les deux pays. La différence profonde des deux régimes politiques devait y faire évoluer dans des conditions et avec des fortunes très diverses le principe de la réforme nationale par l’éducation. Renonçons donc à la comparaison, et ne parlons plus que de la France.

En France, c’est l’esprit républicain qui s’empara de la réforme scolaire et qui lui imprima sa marque.

De la conception elle-même, il est difficile de nier la noblesse. Qu’il nous soit permis d’essayer, dans une esquisse toute schématique, d’en fixer quelques traits.

D’abord, à la différence des gouvernements monarchiques, la République ne peut se borner à des manifestations verbales. « Prodiguer au peuple les bienfaits de l’instruction », c’est ce que la Restauration et le Gouvernement de Juillet s’imaginaient avoir fait, et ils n’avaient rien fait. C’est l’honneur des démocraties, ce fut celui de la démocratie française de voir enfin la réalité, de découvrir pour tout de bon que l’éducation est la première des œuvres nationales et de le prouver tout d’abord en l’inscrivant largement au budget national.