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f. buisson

pareil rôle, à celle dont l’action est par définition la plus modeste, la plus douce, la plus lointaine : à l’éducation.

Ce paradoxe, si éloquemment prêché dans les quatorze fameux Discours, notre troisième République l’a patiemment rédigé en textes de loi : elle en a fait le nerf de sa politique, le lien de ses institutions.

Nous sommes déjà assez loin du moment où s’accomplit cette rénovation à la fois spontanée et réfléchie pour pouvoir peut-être l’envisager avec le recul nécessaire. Essayons d’en juger l’inspiration et d’en apprécier au moins les premiers résultats.

Que faut-il donc penser du mouvement général de l’éducation en France depuis quarante ans ? Quels en furent les traits caractéristiques ? Et qu’est-il permis d’en augurer pour l’avenir immédiat ou prochain ?

I


Le premier caractère, peut-être le seul, qui soit vraiment commun à ces deux efforts de régénération par l’école, c’est que l’Allemagne il y a cent ans, la France de nos jours y virent tout d’abord essentiellement un acte de dévouement à la patrie, une mesure de salut public, le premier geste libérateur.

L’une et l’autre obéissaient tout ensemble à un élan vital irrésistible comme l’instinct et à un plan très méthodiquement conçu. Au fond de ce plan, comme de cet instinct, s’affirmait une force en révolte contre la force des choses, une volonté de vivre qui tenait tête à la sentence de mort. Le point de départ d’une destinée nouvelle était ce refus d’accepter le fait accompli. Celui-là seul est vaincu qui prend l’âme d’un vaincu. Il y a un lendemain possible pour qui proteste, il n’y en a pas pour qui se résigne.

De là, tout au début, dans chacun de ces deux mouvements à soixante ans de distance, le même ton, la même allure de patriotisme exacerbé, militant, militariste. À cette minute, un mot dit tout, il le semble du moins : la « revanche », mot qu’il