Page:Année Pédagogique-2eme année-1912.djvu/19

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
7
l’école et la nation en france

ou, plus exactement, l’école laïque enseignera ceux des éléments de la morale qui ne souffrent aucune discussion, qui, de fait, ne prêtent à aucune controverse entre les hommes, que tous les hommes souhaitent de voir enseigner à leurs enfants comme l’ABC d’un art que tous ont besoin d’apprendre, l’art de vivre en honnêtes gens et en bons citoyens.

Tel est le principe infiniment modeste, mais singulièrement neuf, que la démocratie française a introduit dans la notion même d’école et d’éducation publique.

Évidemment, il suppose admise la possibilité de cet enseignement élémentaire de la morale, c’est-à-dire l’existence de règles de conduite si communes et si générales, si impératives à la fois et si banales, que la plus humble école ait le droit de les prescrire, que le premier venu parmi les honnêtes gens soit en état de les énoncer comme des axiomes pratiques et qu’enfin pas un père de famille ne puisse songer à s’offusquer qu’on les enseigne à ses enfants.

En d’autres termes, il y aurait donc — du moins à ce degré et pour ce niveau d’enseignement — une morale indépendante ou, pour parler plus exactement, une première éducation morale indépendante des religions positives, indépendante même des diverses conceptions métaphysiques. Telle est bien la prétention des fondateurs de l’école laïque, en 1880 comme en 1789.

Convenons-en, cette nouveauté a si peu surpris, si peu heurté le sentiment public que cette révolution pédagogique s’est accomplie non seulement sans guerre civile, sans troubles dans le pays, mais comme une suite naturelle du régime républicain.

Depuis trente ans que l’école primaire française n’est plus confessionnelle, n’est plus ouverte aux ecclésiastiques, ne fait plus figurer la religion dans son programme, nombreuses ont été les consultations nationales qui ont permis à l’opinion publique de se prononcer. Et malgré les protestations, les doléances, les attaques traditionnelles de l’Église appuyée par les divers partis d’opposition, à toutes les élections, sans un instant d’hésitation, le verdict du pays a toujours été, à une immense majorité, favorable à l’école laïque.