-elle, que veut-elle au fond et que vaut-elle, cette éducation nationale sur laquelle notre pays a fondé tant d’espérances ?
Ici nulle hésitation n’est possible. C’est une œuvre qui est bien sui generis. Qu’on l’admire ou qu’on le déplore, c’est un type original que celui de l’éducation française. Et c’est bien celui de la première Révolution, longtemps oublié, taxé tour à tour d’utopie et d’impiété, écarté par tous nos gouvernements, la République seule exceptée, inconnu, incompris, insoupçonné hors de France.
C’est l’école laïque au sens que donnent à ce mot nos lois et nos mœurs. Il n’est pas superflu de s’en expliquer.
L’idée inspiratrice de l’école laïque française n’est pas, comme on le croit parfois, une idée antireligieuse. C’est plutôt l’application — appropriée aux pays catholiques — des principes de la free school américaine.
Du moment que la nation a reconnu qu’elle doit à tous ses enfants un minimum de culture, sans lequel l’homme n’est pas apte à remplir sa fonction de citoyen, une question se pose : ce minimum se compose-t-il exclusivement des connaissances rudimentaires qui permettent la communication des hommes entre eux : lire, écrire, compter ? ou bien comprend-il aussi quelques données fondamentales d’instruction morale et civique ? Et si ces données sont nécessaires, où les trouver ? Comment les transmettre ? À qui en confier le soin, et sous quel contrôle ?
La réponse de la République a été nette, ferme et constante. Il y a des notions premières, bases de tout ordre moral et social, que chaque génération doit léguer à la suivante comme la part la plus précieuse du patrimoine humain. La nation ne peut s’en désintéresser. Elle ne peut se décharger sur aucun intermédiaire du devoir de les transmettre intactes, pures et complètes. Que la famille, que l’Église, que la société politique réclament le droit de faire prévaloir dans cette partie de l’éducation commune leurs vues propres et leurs préférences, rien de plus naturel. Mais que l’État s’en dessaisisse et qu’il s’avoue, soit indifférent soit incompétent, ce serait se dérober à sa fonction.
D’où cette conséquence : l’école laïque enseignera la morale,