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Page:Annales d’histoire économique et sociale - Tome 1 - 1929.djvu/104

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98 ANNALES D'HISTOIRE ÉCONOMIQUE ET SOCIALE


justifie es conclusions de M. Byé :« Marseille et Gênes peuvent gagner in ment plus à l'entente qu'à la lutte. Leur intérêt le plus immédiat serait sans doute de se concerter pour parer à la concurrence redoutable des ports rhénans. »

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Faut-il le dire ? Quand il ferme un livre de ce genre, nourri, substantiel, plein d'enseignements et de lumières sur nae multitude de questions diverses, Vhistorien des siècles passés ne peut s'empêcher de faire, sur son ignorance où plus exactement sur ses multiples ignorances, un retour assez amer.

Partout aujourd’hui, dans le monde entier, des hommes attentifs suivent de près le mouvement, les progrès, les reculs des grands ports mondiaux. Des livres, des mémoires, des enquêtes semblables au travail de M. Byé paraissent régulièrement sur Hambourg, Anvers, Londres, Liverpool, Bordeaux... inutile de continuer l'énumération. Même méthode dans toutes , mêmes préoecupa- tions , mêmes recherches des mêmes faits et des mêmes symptômes considérés comme particulièrement intéressants , même vocabulaire enfin, à quelques différences près. Elles s'appuient, d’ailleurs, sur de grands recueils connus, classés, de chiffres et de dénombrement, sur des publications officielles d tension et de valeur internationales — sur toute une documentation collective €L qu'on s'efforce chaque jour de rendre plus sûre, plus précise et plus riche. Mais les historiens ?

Certes, on le sait de reste : il ÿ a des illusions qu’on serait fou de nourrir. Les documents sont ce qu'ils sont. Les chiffres, les relevés que nous possédons pour une partie du xrxt et pour le xxe siècle, nous ne les avons ni pour le xvine, ni à plus forte raison pour le xvu ou Je xvie : ne remontons pas au del. Par ailleurs, ce n'es pas nous qui, sur la foi d’un banal : « Rien de nouveau sous le soleil», encouragerons jamais les malheureuses fantaisies d'auteurs qui se croient « modernes » parce qu'ils épinglent sur des faits sans analogie profonde avec les faits contemporains tout un lot d'étiquettes à la mode d'aujourd'hui. Ne parlons pas de la fonction industrielle des ports, lorsqu'il n'y avait pas d'industrie au sens actuel du mot , et rappelons-nous toujours que ce n'étaienl pas seulement les faits matériels, mais les mentalités qui, de nos arrière-grands-parents à nous, différaient. profondément, sinon radica- lement.

Et cependant, dans l'Europe du xvre siècle en pleine effervescence, en plein enivrement de capitalisme naissant, il y avait des ports, de grands ports mondiaux, où les produits de l'univers entier, {el qu'il était alors connu et exploité, venaient se concentrer. EL ces ports luttaient les uns contre les autres avec autant d'âpre brutalité que nos ports d’aujourd’hui. Et ils prospéraient ou tombaient en décadence ; ils se remplaçaient au premier rang les uns les autres ; après de longues éclipses, ils reprenaient de la vigueur et de l'élan exactement comme ces organismes, à la fois si complexes, si parfaits ot si fra- giles que sont nos grandes places maritimes el qu'il faut ausculter de jour en jour avec tant d'anxicuse attention, si l’on veut les maintenir en santé ct en force. Où sont les monographies, inspirées par les mêmes préoccupations, établies patiemment par des savants travaillant chacun sur son domaine, mais animés d’un esprit commun — ou plus exactement, se posant à eux: