Page:Annales d’histoire économique et sociale - Tome 1 - 1929.djvu/29

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
23
L’INSTRUCTION DES MARCHANDS AU MOYEN ÂGE

vaient à son entretien et à celui de sa cour, mais il y avait encore fondé et doté des chapitres de chanoines : Saint-Donatien au château de Bruges, Sainte-Pharaïlde à celui de Gand, Saint-Winnoc à celui de Bergues, Saint-Pierre à celui de Lille, Saint-Amé à celui de Douai, Saint-Omer à celui de la ville qui a conservé son nom[1]. De chacun de ces chapitres dépendait une école qui ne dut servir, primitivement, qu’à la formation du clergé des paroisses de la châtellenie avoisinante et à celles des « notaires » que le comte employait à ses écritures[2].

Mais quand, au cours du xie siècle, des agglomérations de marchands et d’artisans (portus) commencèrent à se grouper autour de ces forteresses, et que, du fait même de leur profession, les immigrants de plus en plus nombreux qui affluaient vers elles éprouvèrent le besoin d’un enseignement indispensable au genre de vie qu’ils menaient, la situation se compliqua. Faute de renseignements il est impossible de savoir ce qui se passa durant les premiers temps. Il paraît certain que les écoles capitulaires fournirent aux commerçants des bourgeoisies naissantes les premiers scribes qui furent employés à la tenue de leurs livres. Tout au moins, peut-on conjecturer avec grande vraisemblance que le notarius de la Gilde de Saint-Omer, au milieu du xie siècle, était un ancien élève du chapitre castral.

Des enfants de bourgeois furent-ils admis dès l’origine de la formation des villes à suivre les leçons qui se faisaient dans l’école du castrum ? L’exemple d’Abundus, que nous avons cité plus haut, permettrait de le croire. En tout cas il est absolument certain que, dès le xiie siècle, la population urbaine s’efforce de se pourvoir d’écoles répondant à ses besoins et placées sous son contrôle.

Son intervention dans le domaine de l’enseignement, qui depuis si longtemps appartenait au clergé, n’alla pas sans entraîner des froissements et des contestations inévitables. Si l’Église n’élevait aucune objection de principe contre l’existence d’une instruction destinée aux laïques, elle ne pouvait tolérer en revanche que cette instruction fût soustraite à son autorité. C’est en ce point qu’elle devait forcément se heurter à la bourgeoisie. Le conflit qu’elle eut à soutenir avec elle s’explique par l’incompatibilité des points de vue. L’Église, trop étrangère aux tendances toutes pratiques des marchands et des artisans, était évidemment incapable d’y adapter le programme des écoles. Ce qu’il fallait à ceux-ci, c’était non pas un enseignement littéraire et savant, mais un enseignement tourné tout entier vers les nécessités de la vie commerciale. La lecture, l’écriture, le calcul et les rudiments du latin, voilà ce qu’ils exigeaient de l’école.

  1. H. Pirenne, Les villes flamandes avant le xiie siècle (Annales de l’Est et du Nord, t. 1, 1905, p. 18). Il semble que le comte de Hainaut avait introduit une organisation analogue à Valenciennes où Baudouin IV (1120-1171) fonda une école dans le château. C. Duvivier, Actes et documents anciens intéressant la Belgique, t. II, p. 205.
  2. Sur les fonctions de ces notaires, voy. H. Pirenne, La chancellerie et les notaires des comtes de Flandre avant le xiiie siècle (Mélanges Julien Havet, p. 734 et suiv.).