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L’ACTIVITÉ INDUSTRIELLE DE L’ALLEMAGNE

le niveau du marché mondial. Pour établir ses prix, le commerçant ou le fabricant ne considère plus seulement la dépréciation monétaire du jour même ; il escompte celle du lendemain. Le discrédit de la monnaie engendre les folies de la vie chère. Peu à peu, l’économie allemande répudie le mark comme étalon de valeur, et les prix sont fixés en or ou en devises étrangères ; mais ils ne cessent d’être modifiés et élevés, malgré leur prétendue valeur constante.

L’adaptation automatique des salaires à l’indice de cherté de vie entraîne un désordre effroyable. C’est à qui, dans une course effrénée, montera le plus vite : les salaires ou les prix. Dans l’ensemble, l’augmentation des salaires est loin de compenser la dépréciation du mark, et, dans la pratique, les retards apportés aux paiements en réduisent la puissance d’achat. La force d’absorption que représente le marché allemand se trouve paralysée, la vente s’arrête à l’intérieur. En même temps les exportations s’abaissent en d’énormes proportions, car l’étranger n’a plus intérêt à acheter en Allemagne. Les importations cessent faute de devises étrangères. Beaucoup d’établissements sont contraints de réduire leur personnel ou de fermer leurs portes.

Le chômage sévit, frappant des millions de travailleurs. Des territoires occupés, que tourmente la résistance passive, il s’étend rapidement au reste de l’Allemagne avec son cortège d’épouvantables misères. L’avilissement du mark a pour effet d’augmenter la demande sur le marché du travail. Le renchérissement contraint à l’exercice d’un métier jeunes gens, vieillards, femmes, petits rentiers…, nouveaux prolétaires dont le nombre s’élève avec la dépréciation monétaire qui fait rage.

Durant le sombre automne de 1923, qui semble à beaucoup d’Allemands plus dur que la guerre, l’industrie, ralentissant sa marche, semble s’acheminer vers un arrêt presque total ; le Reich glisse dans l’anarchie. Le chaos s’épanouit parmi les convulsions financières et sociales.

Brusquement, tout change d’un coup. L’Allemagne opère un rétablissement vigoureux, rendu possible par le succès de la réforme monétaire. Elle retrouve un budget en équilibre et une monnaie sérieuse. Le 15 novembre 1923, le Rentenmark est institué et, en octobre 1924, une monnaie parfaitement stable, le Reichsmark, est établie.

Tout le monde était d’accord pour reconnaître que l’industrie aurait à traverser une crise très dure en cas de stabilisation monétaire. La dépréciation progressive, puis vertigineuse du mark, a retardé cette épreuve qu’il fallait affronter résolument, ménager même pour revenir à un régime économique normal.