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Page:Annales d’histoire économique et sociale - Tome 1 - 1929.djvu/40

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ANNALES D’HISTOIRE ÉCONOMIQUE ET SOCIALE

Au sortir des excès de l’inflation, la période d’assainissement a failli, dans certains cas, devenir critique. L’arrêt de la dépréciation monétaire fixe les prix à des taux qui dépassent souvent le niveau mondial et provoque de graves difficultés de débouchés ; il fait momentanément diminuer le volume des exportations, malgré un dumping avoué ou proclamé comme une dure nécessité par les industriels. Il atteint les entreprises qui s’étaient multipliées à l’excès pendant l’inflation : à la fin de 1924, on comptait 17 074 sociétés par actions, au lieu de 5 486 avant la guerre, 79 257 sociétés à responsabilité limitée, au lieu de 26 790.

Les possibilités de production ne correspondent pas aux possibilités de vente, réduites par l’excès même des moyens de production. L’industrie n’est plus secondée par le manque général de marchandises, comme à l’issue de la guerre et par la misère du change, comme durant l’inflation, quand chacun achetait des « biens réels ». Les acheteurs, attendant une baisse des prix, font grève et leur puissance d’achat est médiocre, Aussitôt après la stabilisation, la population allemande, accoutumée à payer des trillions, a procédé durant quelques semaines au maximum d’achats, parce qu’elle ne se rendait pas compte de la valeur effective de la monnaie nouvelle ; mais les besoins du marché intérieur, découragé par l’énormité des prix, ont été vite satisfaits.

Quoique en diminution régulière depuis le début de 1924, le chômage reste inquiétant : en avril 1924, il est encore plus considérable qu’il ne l’a jamais été de janvier 1919 à août 1923.

Le commerce et l’industrie doivent faire front contre la ruine. Ils ont à reconstituer leurs fonds de roulement. Durant l’inflation, les entreprises les ont immobilisés, afin d’échapper à la dépréciation monétaire, en agrandissant leurs installations et en se réfugiant dans les « valeurs réelles ». Les crédits bancaires deviennent très coûteux. Même les entreprises les plus solides se trouvent dans l’embarras, et non pas seulement les exploitations médiocres nées de la guerre ou de l’inflation, et ayant subsisté grâce à ce régime qui leur assurait un fonctionnement sans risques.

Pour triompher de tant de difficultés, l’industrie s’acharne à réduire ses frais de production aux dépens de la main-d’œuvre : par l’augmentation de la durée du travail et la compression des salaires. L’effondrement du mark a vidé les caisses des syndicats ; l’importance du chômage rend les salariés conscients de leur faiblesse et impuissants en face des exigences patronales. Au nom des nécessités de la production industrielle, le patronat exploite sans ménagement les avantages que lui assure cette situation.

Après la promulgation de l’Ordonnance du 21 décembre 1923, qui autorise de nombreuses dérogations au principe, théoriquement maintenu, de la journée de huit heures, les ouvriers acceptent un peu par-