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LES PLANS PARCELLAIRES 69

champs démesurément allongés, volontiers nous en estimons aujourd'hui la forme absurde. Dans la France du Nord, elle semblait jadis nécessaire ; on l'adoptait, tout naturellement, dans les terroirs créés de toute pièce, comme l'adopteront encore, au xvue siècle, dans les pays neufs de l'Amérique sep- tentrionale, les colons français et anglais.

Parmi les nombreux villages de l’Île-de-France levés au cours du xvrire siècle, celui de Brunoy offre à l'histoire de la propriété un objet d'étude parti- culièrement favorable. On en possède en effet trois plans parcellaires relati vement rapprochés : 1724-1735, alors que la seigneurie venait d'être acquise par le financier Paris de Montmartel ; 1783-1789, le seigneur étant Monsieur, le futur Louis XVII: ; 1810, le plan cadastral, exceptionnellement ancien. Paris de Montmartel exploitait en grand capitaliste. La comparaison des premier et deuxième plans — commentés à l'aide des terriers — révèle ses efforts pour concentrer le domaine en quelques grandes parcelles. La Révolu- tion semble avoir entrainé de nouvelles divisions. À Rueil, pour une partie du terroir, nous pouvons mettre en regard deux plans anciens, le premier de 4680, le second, non daté, du milieu du siècie suivant? ; dans les deux, le morcellement des tenures est extrême ; de l'un à l'autre, il progresse légère- ment. Images à méditer par les économistes qui chargent de tous les péchés le Code civil! Ailleurs, à Guillerville, c’est l’enchevêtrement des droits sci- gneuriaux qui apparaît clairement ; il n°y a pas moins de trois seigneurs dont les mouvances s’entremélent ; pour certaines terres, on ne sait pas bien de qui elles relèvent®.

Morcellement, parcelles allongées et sans clôtures, ces traits, si apparents — en dépit de quelques irrégularités locales — sur les plans de l'Ile-de-France, figurent parmi les signes classiques du système des «champs ouverts», tant de fois étudié par les savants anglais et allemands [open-field system, Gewann- dürjer). Mais un autre caractère, parfois considéré comme essentiel, fait ici constamment défaut : la division du terroir en soles. Nul doute que l'assole- ment triennal ne fût généralement pratiqué ; bien plus, — nous le savons de source sûre — d’impérieuses nécessités, d'ordre à la fois technique et social, imposaient aux exploitants l'obéissance à des règles de culture communes. Nulle part, cependant, les lahours ne nous apparaissent, comme on eût pu s’y attendre, répartis en trois grands cantons, réservés chacun à une utilisation saisonnière déterminée et alternant entre eux selon un rythme annuel im- muable ; terriers et cartes ignorent les mots de «sole», «saison», où tout autre terme analogue. En Lorraine, au contraire, notamment dans la Lorraine de langue allemande, à cette même époque, les trois «saisons» se détachent nettement sur les plans ; voyez, par exemple, ceux de la baronnie de Féné- trange (1717-1739), ou celui de Vittersbourg (1688?) 1. Symptôme, dans l’E:t, d'un état agraire moins évolué ? Ilse peut. Pourtant, faisons-y bien attention :




4. Arch. de Seine-et-Oise, À 741 et 742. Échelles variables sclon les feuilles. Brunoy, Seine-et-Oise, cant. Bolssy-Saint-Léger, CT. pour d'autres plans du même lieu, où d'autres exemplaires des plans dessus mentionnés, supra, D. 87, n. 1




2. Arch. de Seine-et-Oise, D, fonds de Saint-Cyr. Tous deux (pour la partie commune) à l'échelle d'environ 1 : 1 610, Kueïl, Seine-l-Oise, cat. Marlÿ-le-Roi. Arch, de Seine-et-Oise, 13, fonds de Morigny. Échelle non indiquée. Guillervilie,


commune Sainte-Escobille, Selne-et-uise, cant. Dourdan. 4. Arch. de Meurthe-eLMuselle, B 1763-87 et 11971. Pour l'énumération des villages de la baronnie de Fénétrange, voir l'inventaire, Vittersbourg, Moselle, cant, Albestrofr.