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70 ANNALES D'HISTOIRE ÉCONOMIQUE ET SOCIALE

histoire des campagnes lorraines, aux temps modernes, est celle d'une série d'accidents, beaucoup plutôt que d’une continuité. De terribles guerres, tout le long du xvne siècle, avaient ravagé le duché ; beaucoup de villages, pendant des périodes plus où moins longues, étaient demeurés déserts ; revenus, les paysans, qui ne trouvaient plus guère devant eux que des friches, se prirent à cultiver « confusément », sans tenir compte des vieilles coutumes, protectrice des intérêts de la communauté, négligeant même, à l'occasion, de respecter les limites des propriétés. Pouvoirs publics et seigneurs mirent le holà. En certains lieux, on dut procéder à de véritables redistributions de parcelles. Partout, on préscrivit l'observation dés «anciennes saisons». Et sans doute, en voulant rétablir l'ordre primitif, on fit disparaître des anoma- lies, dont beaucoup remontaient aux origines mêmes des terroirs. Selon toute vraisemblance, le système agraire lorrain n’avait, au xvint siècle, une allure si régulière que parce qu'il venait d’être régularisé 3.

De ce point de vue, les anciens plans de la Lorraine, ou du moins certains d’entre eux, rentrent dans une catégorie assez particulière : celle des plans destinés à constater un «remembrement», c'est-à-dire une réforme générale du terroir. Ici, on ne cherchait qu’à renouer les traditions. Les remembre- ments plus récents visent, au contraire, à rompre avec les errements du passé : on veut grouper les parcelles, diminuer le morcellement. La plupart de ces opérations, en France, datent des xrxe et xxe siècles ; nous les retrouverons plus loin. Mais les premières ont été accomplies avant la Révolution, sous l'autorité seigneuriale. Un plan venait fixer le nouvel état de choses : tel, celui des «Lans de Neuviller el Roville » après la « nouvelle division et distribu- tion» qui, accomplie en 1770 par un intendant éclairé, La Galaizière, fit époque dans la doctrine?.

Les Lerroirs du Midi de la France diffèrent grandement de ceux du Nord ; les champs y ont des formes beaucoup plus variées et tendent souvent vers le carré. Cel aspect de puzzle, bien connu des travailleurs qui ont feuilleté les cadastres méridionaux, apparaît dès les plans anciens : tel, celui de Mont- gaillard, en Lauragais®. Encore s’agit-i là d’un village aggloméré. Plus étrange encore, à des yeux formés par les campagnes du Nord, un fragment du plan de Langon, en Guyenne, exécuté avant 1764, où l'on voit un grand nombre de maisons dispersées, chacune entourée de son exploitation, qui, souvent, est enclosot. Curieux en lui-même, ce dernier document a eu, par sureroît, un deslin assez surprenant. Avec tout un lot de papiers d’arpenteur, il a échoué aux Archives de Seine-et-Oise, où je ne pense pas qu'aucun histo- rien bordelais ait jamais eu l'idée d'aller le chercher. Je tenais à citer, en ter- minant, ce trait ; il fera sentir, mieux qu'un long discours, l'incertitude qui pèsera sur nos recherches tant que n'aura pas été constitué, archives par archives, l'inventaire général des anciens plans parcellaires frang

Manc BLocu.









4. CI. GxonGEs Horrenoen, Les remembrements en Lorraine au XVIII siècle dans Mér. de ta Société d'Archéologie lorraine, L, L'XIV (1919). Je compte revenir sur la question.

2, Arch. Nat. N I, 1. Cf. le plan de Neuviller, reproduit, d'après un exemplaire Con servé aux archives de la mairie, par G, HOTTENGER, La propriété rurate en Lorraine. Morcellement el remembrement, 1914 (Biblioth. du Musée sociaD, p. 90. Neuviller-sur-Mo— selle et Roville, Meurthe-ct-Moselle, cant. Haroué,

3. Arch. de la Haute-Garonne, € 1580. Monlyalllard, Haute-Garonne, ant. Vhle- ranéhe-en-Lauragais,

4. Arch, de Selne-et-Oise, À 926. Échelle environ : 4 000. Langon, Giruude, arr. Bacas, �