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ÉCONOMISTES ET HISTORIENS 85


se renforcer. Constitué sous la pression du protestantisme puritain dès le xvne et le xixe siècle, le capitalisme trouve dans les conditions économiques un appui suffisant pour qu'il soit inutile de l'expliquer aujourd'hui par des cau- ses religieuses. Et, sans doute, si la Réforme n'avait pas eu lieu, le capitalisme se serait développé tout de même, mais peut-être suivant un autre rythme, à une autre époque, en d'autres pays. Qu'il soit apparu en Angleterre, dans la période où ce pays obéit le plus à la propagande puritaine, c'est la preuve que la Réforme religieuse appelait la révolution industrielle.

Dans les derniers mois de 1904, Max Weber fit un voyage aux États-Unis. I1 put y retrouver les traces encore vivantes des origines du capitalisme, et y observer le capitalisme moderne dans la pureté de son type. Il publiera, en 1906, sous le titre : Les sectes protestantes et l'esprit du capitalisme, une étude qui complète la précédente, et où il vérifie la mémo hypothèse d'après l'expé- rience américaine. Dans l'exclusivisme des clubs d'aujourd'hui, qui est un trait si caractéristique de la vie sociale américaine, il retrouve l'esprit des anciennes sectes protestantes, quakers el baptistes. « Le succès capitaliste d'un frère de la secte était autrefois une preuve de son état de grâce, et aug- mentait le prestige de son groupe. C'est ainsi que purent alors se légitimer et se transfigurer les motifs individualistes du capitalisme. »

Ce travail n’était que la première partie d’une vaste enquête qui devait porter sur l'histoire universelle?. 11 la poursuivra à partir de 1911, et, sous le titre : Éthique économique des grandes religions, il publiera dans l'Archie, de 1915 à 1919, une série d'articles sur Le Confucianisme et le T'aoïeme, l'Hin_ douisme et le Bouddhisme, et, enfin, L'Ancien Judaïsme ?. Contre le matério- lisme économique, il s'était efforcé d'établir que la religion exerce une forte influence sur l'industrie, le commerce, et l’organisation de la vie matérielle. Mais il voulait éludier également l'action inverse où réciproque qu’oxercent les conditions de vie matérielles, économiques, géographiques sur les idées religieuses et morales. Il fixait son attention sur les catégories sociales qui, sous cette double influence, fixèrent les règles de conduite : lettrés prébendés par l'État en Chine, caste héréditaire d'hommes cultivés dans l'ancien hin- douisme, moines mendiants de l'ancien bouddhisme, guerriers conquérants de l'Islam, parias bourgeois du judaisme d’après l'exil. Programme infini- ment vaste, qui le condamnait à travailler sur des données de seconde main, mais qu'il abordai sans parti-pris quelconque. « Ich bin swar religiôs absolut unmusikalisch», disait-il.

11 poursuivait cependant ses recherches économiques. En 1908, il écrivit une grande étude historico-sociologique sur Le problème agraire dans l'anti- quité. T1 ÿ explique la différence entre la culture antique et la culture moderne






4. Osternummer der Frankfurter Zeitung, 1806, Reproduit (plus. déx Christliche Welt, puls dans les Gesammlte Aufeatze, ete, 1920 (VOlr p.

2. I1 voulait d'abord étudier de ce point de vue, c'est-à-dire dans ses rapports avec l'organisation économique, le christianisme avant la Réforme et au moyen age. Mais comme à cette époque (commencement de 1908), les études de Troelisch sur les doctrines soclales. des églises chrétiennes commencent à paraître dans l'Archiv, 1 craint que leurs chemins ne se touchent sur un trop long parcours, et préfère travailler sur un autre terrain.

3. Archir für Sozialwissenscheft, Band 41, septembre et novembre {915 (Kemfuzia- niemus und Taoismus), avril et décembre 1916, et Band 42, mal 1917 (Hinduismus und Buddhismus), Band 44, octobre 1917, mars et juillet 1918, ct Hand 46, décembre 1918, Dand 47, juin et décembre 1919 (Das antike Judentum). Reproduits dans + Gesammalte Aufsate sur Religionssesiologie, Tübingen, 1920.