Page:Annales de géographie, Tome XXXVIII, 1929.djvu/199

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
195
L’ATLANTIDE DE PLATON

I

L’un des interlocuteurs du Timée, Critias, rapporte une conversation qu’eut avec les prêtres d’Égypte Solon, « le plus sage des Sept ». Critias la tient de bonne source : il a connu « cette vieille histoire par un homme qui n’était plus très jeune », son arrière-grand-père Critias. Ce vieux Critias, âgé de quatre-vingt-dix ans, l’avait un jour racontée à son petit-fils, le Critias d’aujourd’hui, qui n’avait alors que dix ans.

C’était, après les vendanges, pendant les vacances des Apatouries, le jour des Agneaux ; on avait récité nombre de poèmes et particulièrement de Solon, dont les poésies étaient alors en leur nouveauté. On en vint donc à parler de Solon, et le vieux Critias transmit au petit Critias les renseignements sur la première histoire d’Athènes qu’il tenait de Solon, lequel les tenait des prêtres d’Égypte, dont un doyen avait dit au plus sage des Sept : « Solon, vous autres Hellènes, vous n’êtes que des enfants ; un Hellène n’est jamais vieux. Vous n’avez aucune opinion ancienne, aucune de ces vieilles traditions qui puissent vous donner une science chenue ».

Cette ignorance des Hellènes était, disait le prêtre égyptien, une maladie incurable : les révolutions périodiques du globe terrestre en étaient la cause invincible et toujours renouvelée ; car la légende de Phaéthon traduit une vérité astronomique ; périodiquement, les astres qui circulent autour de la Terre sont déviés de leur course et viennent allumer des incendies terribles sur notre sol. « Alors tous ceux qui habitent sur les montagnes périssent plutôt que ceux qui demeurent près des fleuves… Le Nil, notre sauveur en d’autres circonstances, nous préserve aussi de cette calamité-là. » À d’autres époques, ce sont des déluges que les dieux envoient pour purifier la Terre, et les hommes, surpris par le cataclysme, périssent dans toutes les contrées qui ne sont pas soumises, comme l’Égypte, à l’inondation annuelle et aux précautions de fuite ou de défense qu’elle enseigne. Chacun de ces désastres fait disparaître les monuments écrits et même la tradition orale des grandes choses d’autrefois… Et voilà pourquoi Athènes était muette sur une période de la plus haute antiquité, où elle était devenue la plus noble des cités, la plus puissante, la plus glorieuse, la mieux policée à tous égards. Solon n’avait donc connu que par ce prêtre égyptien l’histoire athénienne du quatre-vingt-quinzième siècle avant notre ère :

De vos concitoyens d’il y a neuf mille ans, — lui avait dit cet Égyptien, — je vais vous révéler en quelques mots les lois et vous conter, parmi d’autres hauts faits, le plus beau qu’ils aient accompli… Nos écrits nous relatent comment votre cité anéantit jadis une puissance dont la violence lançait contre