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I

Avant de répondre à ces questions, je crois utile de rappeler que, dans cet ordre de faits, nos moyens de recherche se sont notablement accrus depuis un demi-siècle. Les progrès de la connaissance du globe et la colonisation nous ont mis en rapport avec un nombre de plus en plus grand de sociétés humaines à des degrés très inégaux de développement. On a étudié leurs genres de vie ; l’attention s’est portée d’une façon méthodique sur leurs moyens de nourriture, le vêtement, l’habitation, les instruments, les armes, bref sur l’ensemble d’objets dans lequel s’expriment les habitudes, les dispositions et les préférences de chaque groupe.

On a constaté aussi bien des diversités, dont le principe, comme on peut s’en convaincre, est surtout dans les différences de matériaux fournis par la nature ambiante. Mais on est arrivé aussi par la comparaison à constater que par-dessus les variantes locales il y avait des formes d’existence, des modes de civilisation embrassant de grandes étendues et de nombreuses collections d’êtres humains.

Ces diverses formes de civilisation se manifestent d’une façon concrètes par les objets qu’elles créent à leur usage, ce qu’on a pris l’habitude d’appeler leur matériel ethnographique. Le mot fait songer involontairement à ces vitrines de musée où sont assemblés armes, parures, défroques et ustensiles de tribus sauvages ; et il n’y a pas à se plaindre de cette association d’idées, si elle a pour effet d’enfoncer en nous cette notion que la civilisation la plus rudimentaire comme la plus raffinée est digne d’attention, qu’elle a sa place, si modeste soit-elle, dans les archives de l’humanité. Mais le mot, dans ce qu’il implique de signalement caractéristique, est tout aussi applicable à de grands types de civilisation. Il y a dans la nourriture, le vêtement, le mobilier, les constructions, l’Art médical dont le Chinois fait usage, un fonds commun emprunté à la nature inorganique ou vivante, sur lequel son ingéniosité s’est exercée, et qui reste comme sa signature de peuple. Je dirai même que ces docks, ces élévateurs, ces puissantes machines avec lesquelles l’Américain manie les quantités et les masses, sont dans leur genre des documents ethnographiques, des signes caractéristiques de sa civilisation. En cela, comme dans les objets dont le Nigritien ou la Malais ont emprunté la matière et la forme à la nature végétale qui les entoure, se manifeste un effort d’invention et de perfectionnement en rapport avec un certain milieu.

Il est aisé de juger quel précieux renfort ces expressions diverses d’industrie humaine apportent à l’étude géographique des faits sociaux.