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Jane Austen, sa sœur Cassandre connut seule le secret. Malgré les réticences et la réserve de Cassandre qui le raconta à sa nièce Caroline, [1] il met en lumière une partie de la vie de Jane Austen qu’il est précieux de connaître. Pendant un séjour au bord de la mer, les Austen firent la connaissance d’un jeune clergyman sur l’esprit duquel le charme de Jane fit une profonde impression. Quand vint le moment de se séparer, le jeune homme exprima le désir de revoir la famille Austen. Cassandre ne douta pas alors un moment qu’il eut l’intention de demander la main de Jane et que sa demande fût favorablement accueillie. On convint de se retrouver, mais, à l’époque fixée, le jeune homme ne vint pas. Quelque temps après, arriva une lettre de son frère annonçant qu’il était mort. Ainsi Jane Austen connut l’attente joyeuse avant la venue de celui qu’elle considérait peut-être comme un fiancé, puis, après des heures d’inquiétude, acquit la certitude que tout son rêve était irrémédiablement détruit. La main pieuse de Cassandre Austen n’a laissé subsister dans la correspondance aucune trace d’une histoire trop semblable à la sienne. Ce douloureux événement rapprocha plus étroitement encore les deux sœurs, dont les vies furent désormais mariées l’une à l’autre, « wedded to each other », suivant le mot de leur mère.

Le récit de Caroline Austen n’indique aucune date pour cet épisode, mais il est certain qu’il n’appartient pas aux années de Steventon. On se rappelle qu’en quittant le presbytère, Jane Austen se réjouissait de pouvoir enfin passer l’été au bord de la mer, ce qu’elle ne fit pas avant 1801 De plus, aucune lettre de cette époque ne trahit l’influence d’un attachement sincère ou d’une déception profonde. Tout semble, au contraire, indiquer que la jeune fille qui envoie alors à sa sœur la chronique du presbytère de Steventon et de la société des environs n’est pas encore capable d’aimer. N’est-elle pas encore aussi éloignée d’ai-

  1. Jane Austen, her life and her letters. Page 89.