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moins souriant que la satisfaction… En quittant la maison, Anne se dit qu’elle laissait derrière elle un bonheur bien assuré. Louisa éclata en transports d’admiration au sujet des marins, de leur amabilité, de leur franchise, de leur droiture, se déclarant convaincue qu’il y avait chez ces hommes plus de mérite et de dévouement que chez personne autre au monde, que seuls les marins savaient occuper leur vie et avaient droit à la sympathie comme au respect ». [1]

À côté de William Price, du capitaine Wentworth et du capitaine Harville, le père de Fanny Price, dans « Le Château de Mansfield » est une figure qui, adoucie, estompée, garde quelque chose de la grossièreté des marins dont Smollett aimait à reproduire les lourdes plaisanteries, la bruyante jovialité et le langage toujours assaisonné de blasphèmes ou d’obscénités. En 1814, la lignée du « Commodore Trunnion » n’est point éteinte encore en Angleterre, et Mr. Price, lieutenant en retraite de l’infanterie de marine, nous en fournit la preuve : « Il montrait plus de négligence envers sa famille, avait des manières encore plus déplaisantes et des façons de faire plus grossières que Fanny ne s’y était attendu. Non pas qu’il manquât de capacités, mais il ne s’intéressait à rien, ne connaissait rien en dehors de sa profession. Il ne lisait que le journal et l’annuaire de la marine ; sa conversation ne roulait que sur les docks, le port, Spithead et Mother bank. Il jurait et buvait, il était mal tenu et commun. Fanny n’avait jamais pu se rappeler rien qui ressemblât à de la tendresse dans leurs rapports d’autrefois, elle avait gardé de son père une impression confuse de manières brusques et d’une voix trop bruyante. Aujourd’hui, il ne faisait attention à elle que pour faire à son sujet quelque plaisanterie de mauvais goût ». [2] Mais un marin du genre de Mr. Price appartient à un milieu peu familier à Jane Austen, aussi ne s’arrête-t-elle

  1. Persuasion. Chap. XI.
  2. Le Château de Mansfield. Chap. XXXIX.