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distinguer par des actions d’éclat et arriver à la Fortune, à la célébrité, d’une façon si honorable et avec une si joyeuse ardeur ! » [1]

Les marins ne méritent pas seulement d’être admirés pour leur mérite personnel. La nation tout entière a envers ces hommes une lourde dette de reconnaissance que ni les honneurs, ni la fortune, ne sauraient acquitter entièrement. Lorsque l’ignorant baronnet Sir Walter Elliot se plaint que, dans la marine, « des gens de naissance obscure arrivent à conquérir des honneurs auxquels ils n’ont pas droit et parviennent à un rang que ni leurs pères ni leurs grands-pères n’auraient jamais osé ambitionner », saillie Anne se permet d’élever la voix en faveur de ceux que Sir Walter dédaigne : « Les marins, dit-elle, qui ont tant fait pour la sécurité de tous, peuvent je crois, prétendre au moins aussi justement que les membres de n’importe quelle autre profession aux joies et aux avantages qu’offrent la patrie et le foyer ». Les éloges de Jane Austen, l’admiration qu’elle exprime pour les vertus patriotiques et domestiques des marins [2] doivent certainement quelque chose à l’affection fraternelle, mais ni ces éloges ni cette admiration ne témoignent d’un sot enthousiasme ou d’une aveugle partialité. Le jugement teinté de mélancolie et de regret que, dans « Persuasion », Anne Elliot porte sur le capitaine Harville et le capitaine Benwick, s’oppose aux louanges données sans discernement par la romanesque Louisa Musgrove aux marins en général et à ceux de sa connaissance en particulier. Anne remarque avec plaisir, chez les Harville, au milieu de l’humble mobilier, quelques curiosités, quelques bibelots exotiques. « Tous ces détails qui rappelaient la profession du capitaine et trahissaient l’influence de son goût et de ses habitudes, offraient ainsi une image de paix et de bonheur domestique devant laquelle Anne éprouvait un sentiment qui avait quelque chose de plus profond ou de

  1. Le Château de Mansfield. Chap. XXIV.
  2. Persuasion. Chap. III, chap. XI, chap. XXIV.