Page:Annales de l universite de lyon nouvelle serie II 30 31 32 1915.djvu/368

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pique-niques, sont pour Thomas Bertram, Frank Churchill ou Henry Crawford autant d’occasions de fleureter et de faire valoir leurs talents de causeur ou leur dextérité à conduire des chevaux par les plus mauvaises routes. Sous un ciel souvent pluvieux ou maussade, ces jeunes gens vont, toujours souriants et empressés, bien décidés à jouir de toutes les heures d’une vie qu’ils conçoivent comme une éternelle « partie de plaisir ». Comme nous les voyons presque invariablement au milieu d’une société féminine, nous ne les entendons jamais parler que de choses aimables et frivoles. L’atmosphère dans laquelle ils vivent est amène et souriante. Les vulgaires soucis matériels communs à la plupart des hommes n’en troublent jamais la sérénité, et ces élégants jeunes gens, désœuvrés et cependant jamais ennuyés ni ennuyeux, semblent se mouvoir dans un décor enchanté de « Fête galante » d’où la grâce sensuelle, la mélancolie et le désir auraient disparu pour faire place à une joie de vivre peut-être plus saine quoique moins affinée. Leur belle humeur ne se dément que si quelqu’un prétend leur imposer un plaisir qu’ils n’ont point choisi eux-mêmes. Alors, leur égoïsme offensé s’insurge : Thomas Bertram est, comme il convient à un mondain accompli, un excellent joueur de whist, mais il n’entend point faire le quatrième à la table de jeu qu’on organise pour les gens sérieux dans un coin du salon de Mansfield. Il a résolu de ne plus danser ce soir-là et toute sa politesse envers sa cousine Fanny n’est pas allée plus loin que cette belle invitation, faite d’une voix traînante : « Si vous voulez danser, Fanny, vous me le direz ». Fanny répond qu’elle n’en a aucune envie. Mme Norris, voyant Tom parcourir négligemment des yeux un journal, lui demande de s’asseoir à la table de jeu. « J’en serais ravi, répondit-il se levant vivement, ce serait avec le plus grand plaisir, si je ne devais pas danser. Allons, Fanny, dit-il, en lui prenant la main, décidez-vous ou nous n’aurons pas le temps de danser. — Fanny se laissa emmener de grand cœur.