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Page:Annales de la société Jean-Jacques Rousseau, tome 13.djvu/223

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idéal de vie. Tous deux ont prêché le retour à la nature et à la moralité au moyen de la « retraite ». Si leur existence et leur culture présentent un contraste marqué, si l’un n’est que raison, alors que l’autre est presque purement « sentiment »,il n’en est pas moins vrai que tous deux se posent en « directeurs de conscience » et proposent les mêmes remèdes au mal de leur siècle. Cette similitude n’a pas échappé à la clairvoyance d’Emile Faguet : « Le Sénèque à Lucilius du 18e siècle est dans Rousseau, partie dans l’Emile, partie dans l’Héloïse, partie, et c’est encore ici qu’il est le meilleur, dans sa correspondance[1]. » Et l’influence même qu’ont eue les deux esprits sur leur temps, présente de curieuses et suggestives analogies constatées par M. P. Thomas, bien que celle de Sénèque semble être restée plus exclusivement littéraire et peut-être aussi plus restreinte et plus éphémère que celle de J. J. Rousseau.

Ce sont deux génies de la même famille que le grand seigneur romain et l’aventurier genevois, malgré tout ce qui les. sépare, et c’est là une première justification du choix en apparence étrange de Jean-Jacques. Du reste, le goût du public est alors en harmonie avec le sien. On lit beaucoup Sénèque dont on aime la forme oratoire et aussi les effusions sentimentales. C’est un quart de siècle plus tard que Diderot va écrire en sa faveur la plus passionnée des apologies. Enfin à ces raisons générales, s’ajoutait peut être encore un motif particulier tiré du sujet même de l’œuvre : une satire contre un méchant empereur, contre un tyran, écrite par un homme vertueux, quelle aubaine pour le citoyen de Genève Pas une des pointes de l’original ne sera oubliée par J. J. Rousseau, qui s’efforcera d’accentuer encore, s’il est possible, le côté trivial et plébéien du Ludus.

Deux questions principales peuvent se poser à propos de la traduction de Rousseau comme de toute autre. D’abord,

  1. E. Faguet, Dix-huitième siècle (Rousseau).