Page:Annales de la société Jean-Jacques Rousseau, tome 13.djvu/225

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celui d’un éditeur récent, tel que Buecheler (Weidmann, Berlin, 1895) par exemple, sont réellement insignifiantes[1].

La meilleure façon d’apprécier la valeur du travail de Rousseau nous semble être de comparer pour des passages quelconques sa traduction à celle d’Esquien et au texte lui même.

Sénèque (9, 14-17, édit. Buecheler) :

Proximus interrogatur sententiam Diespiter Vicae Potae filius, et ipse designatus consul, nummulariolus hoc quaestu se sustinebat, vendere civitatulas solebat. Ad hunc belle accessit Hercules et auriculam illi tetigit.

Esquien

Le second à qui on demanda son sentiment fut le père du jour, fils de la Déesse de la victoire ! Il étoit désigné consul des banquiers. Il vivotait de ses usures et ne faisoit que de petites affaires. Hercule s’approche de lui avec cet air poli que chacun sçait et l’avertit en lui tirant l’oreille.

J. J. Rousseau.

Après cela vint le tour du divin fils de Vica Pota désigné consul grippe-sou et qui gagnoit sa vie à grimeliner et à vendre les petites villes. Hercule passant donc à celui-ci lui toucha galamment l’oreille.

Remarquons que si Rousseau rend faiblement par divin le mot Diespiter et s’il escamote la traduction de Vita-Pota, enfin s’il oublie ipse, par contre il n’ajoute pas au texte comme Esquien (avec cet air poli que chacun sçait), ou ne le modifie pas avec fantaisie (Esquien : tirant l’oreille au lieu de toucha l’oreille). Et comme sa traduction garde mieux l’allure de l’original ! Comme les expressions consul grippe-sou, grime--

  1. La liberté la plus grave prise avec le texte est dans les vers de 15 (Buecheler) où est décrit le supplice de Claude aux enfers. Au lieu de sic cum iam summi tanguntur culmina montis, irrita Sisyphio volvuntur pondera collo, « j’ai pris la liberté, écrit Rousseau en note, de substituer cette comparaison à celle de Sisyphe employée par Sénèque et trop rebattue depuis cet auteur :

    Ainsi pour terrasser son adroit adversaire
    Dans l’arène un athlète enflamé de colère
    Du cestre qu’il élève espère le frapper… etc. »