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annales de la société j. j. rousseau

s’arrêtant à l’ombre des vieux châtaigniers, s’exaltant dans la solitude, peuplant le silence des bois de ses méditations, de ses rêveries ou de ses chimères d’où sortiront d’âpres réquisitoires, reflets de sa soif ardente de justice et de son aspiration indomptable vers l’idéal !…

A peine installé à Montlouis, Jean-Jacques compose sa Lettre à d’Alembert sur les Spectacles. Il travaille en plein hiver dans ce donjon glacé, sans abri contre le vent et la neige et sans autre feu que celui de son cœur. C’est l’ouvrage qu’il préfère entre tous ses livres. « Elle est d’une tendresse enivrante, a-t-il dit, et il est vrai qu’en l’écrivant j’étais éperdûment amoureux »[1]. Passion qui devait bientôt sombrer, après cinq mois de délire ; Sophie ne voulait point que son caprice devint un amour romantique. Et puis, elle aimait trop Saint-Lambert. et son repos !

Souffrant d’une violente crise morale « enfiévré de colère et d’amour luttant aussi contre un mal qui le tenaillait sans répit et qu’il nous dépeint au début du Livre X des Confessions, Jean-Jacques tomba bientôt dans un état de langueur qui lui fit croire à la fin de sa carrière. Il surveille néanmoins l’édition de son livre. Une partie de l’été de 1758 est employée à cette besogne. Il corrige ses épreuves, renouvelle ses instructions à son éditeur Rey, d’Amsterdam, lui recommande surtout sa préface « Il m’importe que ce morceau soit de la dernière correction, j’aimerais mieux, écrit-il, qu’il y eut cent fautes dans l’ouvrage qu’une seule dans la préface »[2], la fameuse préface

  1. Correspondance générale. T. III, p. 285 et lettre à Deleyre.
  2. Lettre à Deleyre fin 1758 : « J’aime cet ouvrage plus que les autres, parce qu’il m’a sauvé la vie et qu’il me servit de distraction dans des moments de douleur où, sans lui, je serais mort de désespoir. »