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madame de verdelin

Son salon rivalisait avec celui de la maréchale de Beauvau qui possédait, elle aussi, à un haut degré « cet art de causer qui fut sa gloire et son enchantement ». S’inspirant des témoignages du duc de Lévis et de Madame de Genlis, les Goncourt ont tracé un joli portrait de la maréchale de Luxembourg :

< Rien ne lui manque de son temps sa jeunesse a presque dépassé la légèreté, et il reste de ses anciennes amours une chanson fameuse qui voltige dans l’écho des salons. Depuis elle s’est si bien rangée, elle a oublié son passé avec tant de naturel et tant d’aisance, que tout le monde autour d’elle l’oublie comme elle, et que personne ne s’avise de remarquer que sa dignité n’est faite qu’avec de la grâce. Un esprit piquant, un goût toujours sûr, lui ont acquis dans le monde une autorité qu’on respecte, qu’on aime et qu’on redoute. Elle prononce en dernier ressort sur tout ce qui entre dans la société, elle attribue ou ôte aux gens cette considération personnelle qui leur ouvre ou leur ferme les portes de l’intimité d’un mot, elle les fait admettre ou refuser à ces petits soupers si recherchés où l’on admet que les hommes du bel air. Forçant les femmes à une coquetterie générale, commandant les égards aux hommes, elle est l’institutrice de toute la jeune cour, le grand juge de toutes les choses de la politesse, le dernier censeur de l’urbanité française, au milieu de l’anglomanie qui répand déjà la mode de ses fracs et de ses rudesses »[1].

On conçoit toute l’appréhension du timide Jean-Jacques, au moment de prendre contact avec une aussi puissante personne.

  1. E. et J. de Goncourt : La femme au dix-huitième siècle. T. II, p. 232.