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annales de la société j. j. rousseau

quer tout simplement que, prise à la lettre, la phrase de l’auteur du Fils naturel ne s’appliquait à personne, puisque, pour être méchant, c’est-à-dire pour nuire à quelqu’un, il ne faut pas vivre tout seul en sorte que « cette sentence ne signifiait rien du tout ». — Mais c’est aller trop loin : les malfaiteurs contre lesquels la police est le plus impuissante, que ce soient des assassins comme Caserio et Luccheni, ou de simples voleurs, ne sont-ils pas ceux qu’on appelle des solitaires ?

S’efforcer de vérifier ce que Rousseau raconte dans les Confessions, et, quand on le peut, comparer ses récits avec les documents de l’époque c’est le premier devoir du commentateur. Mais ces documents manquent le plus souvent, et alors le plus sage est de laisser courir le récit de Jean-Jacques, et le doute planer sur tout ce qui peut y prêter.

J’avoue que M. Ducros me semble trop prodigue de points d’interrogation : il en place à tout bout de champ.

Rousseau a raconté ce qui lui arriva le dimanche 14 mars 1728 ; son récit est absolument vraisemblable : les portes de la ville étaient fermées au moment où il s’y présenta. Que voulez-vous de plus simple ? — Prenez garde, son récit est dramatique, observe (page 35) M. Ducros, qui se demande s’il y faut ajouter foi.

Dramatique, je le veux bien. « Dans le premier transport de ma douleur, dit Jean-Jacques, je me jetai sur le glacis et mordis la terre. » Mais cela encore est vraisemblable. Une fois le malheur arrivé, et après qu’il en eut pris son parti, que Rousseau s’en soit consolé avec l’imprévoyance d’un jeune étourdi, c’est ce qu’il nous dit lui-même ; tandis que je ne puis me persuader qu’avant l’événement, il n’ait attendu que l’occasion de sortir de la ville et de s’abandonner à tous les hasards.

M. Ducros prodigue aussi les conseils, qui sont aujourd’hui bien tardifs. Page 354 : « Rousseau aurait dû garder pour lui… » — Page 364 : « Rousseau aurait mieux fait de remarquer tout simplement… » — Page 368 : « Les amis de Rousseau auraient dû parfois… — Pourquoi Diderot n’a-t-il pas tout simplement répondu que…  ? »

Mais c’est trop s’attarder à des critiques trop aisées en un sujet si touffu. M. Ducros a semé dans son commentaire des Confessions bien des remarques justes, et dont quelques-unes ont une grande portée. Page 160, il montre que les idées du premier Discours se rattachent à celles que, longtemps auparavant, Rousseau exposait dans son mémoire à M. de Mably sur l’éducation de son fils. — Page 355 : « Il me paraît tout naturel que madame