Page:Annales de la société Jean-Jacques Rousseau, tome 8.djvu/11

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Ou bien on isole des phrases, et l’on donne à ces traits arrachés de leur place, séparés de tout ce qui les limite et les éclaire, des sens outrés ou faux. Voyez, étudiez de près en vous reportant aux œuvres de Rousseau les pages 270-271 du volume de M. Lemaitre, et demandez-vous si en réalité Rousseau rétracte son Contrat social. C’est également faute d’avoir tenu compte du contexte que M. Espinas[1] croit relever une contradiction au début du Discours sur l’inégalité : Rousseau commence par « écarter tous les faits » ; il affirme ne pas présenter ses vues comme des « vérités historiques », et tout son discours prouve cependant qu’il entend bien nous enseigner quelles furent probablement les étapes successives de la civilisation. La contradiction disparaîtra si l’on remarque que, par prudence et par respect, Rousseau appelle faits et vérités historiques, le récit de la Genèse. Il se débarrasse de la Bible qui est pour le croyant l’histoire vraie de l’humanité, attestée par Dieu même ; et il expose dans des « raisonnements hypothétiques », une esquisse évolutionniste de l’histoire humaine ; il fait de l’anthropologie et de la sociologie conjecturales ; il fait, ou veut faire de la science.

Ou bien on accepte, comme allant de soi, sans examen approfondi, toutes les positions de questions défavorables à Rousseau. L’Essai sur l’origine des langues

    revenu de l’Etat qui prend l’argent des pauvres, ou des bénéfices industriels qui sont enlevés aux travailleurs. Je ne prends pas une jouissance sans la prendre aux dépens de quelqu’un. Je ne brûle pas du charbon de terre dans mon poêle sans profiter de la misère des mineurs. Aux esprits épris d’absolu, la fuite au désert est bien la seule ressource. Si Rousseau pèche ici, ce n’est pas par illogisme, c’est par excès de logique.

  1. Revue internationale de l’Enseignement, p. 330.