Page:Annales de la société Jean-Jacques Rousseau, tome 8.djvu/18

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c’est l’inégalité : l’inégalité artificielle qui aggrave les inégalités naturelles ; l’inégalité des rangs ; l’inégalité des biens ; en dernière analyse, la propriété. Voilà l’injustice fondamentale, la source de toutes les corruptions et de toutes les misères, qu’il dénonça dans son second discours.

Pour trouver la vie naturelle, innocente et heureuse, il faut donc remonter au-delà des gouvernements, au-delà des hiérarchies sociales, au-delà de la propriété, ce qui mène au-delà de la société : alors les hommes étaient égaux et libres, parce qu’il n’y avait pas de loi pour consacrer, éterniser, consolider en droit ou perpétuer par l’hérédité les faits accidentels d’oppression et de violence. Alors les hommes étaient bons, parce qu’ils n’avaient que la méchanceté passagère du besoin ou de la peur, parce qu’ils n’étaient pas malfaisants froidement, par intérêt, par calcul, par droit, pour l’utilité du lendemain et de tous les siècles. Ainsi l’anarchie des temps primitifs, où il n’y avait ni société constituée, ni famille stable, voilà l’état de nature à jamais regrettable, l’idéal que l’homme a possédé sans le comprendre, et dont il est déchu depuis d’innombrables siècles.

On ne saurait être plus individualiste, d’une façon plus absolue et plus exaspérée l’homme de la nature vivait isolé, sans liens et sans lois, et il était bon et heureux. Mais ce serait mutiler et fausser le second Discours que de le réduire à ces termes simples. Il faut remarquer que Rousseau s’y ressaisit au cours même du développement, ou en se relisant, et qu’il rabat lui-même ses outrances.

Après le cri fameux qui dénonce la propriété comme un brigandage, immédiatement après cette fusée d’ima-