Page:Annales de mathématiques pures et appliquées, 1810-1811, Tome 1.djvu/78

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
74
PRINCIPE.


dérivait de la progression triple, on en a conclu que le chant fondé sur ce principe est en effet le plus naturel à l’homme. Le vice de ce raisonnement est manifeste, et une telle question ne peut être tranchée par de simples autorités historiques, qui d’ailleurs sont sujettes à contestation. J’aimerais mieux que l’on consultât le chant des sauvages qui n’auraient eu aucune relation avec les peuples policés, et dont on pourrait attribuer les intonnations plutôt à l’instinct de la nature qu’au pouvoir de l’habitude ; et encore les résultats d’une telle observation ne pourraient-ils être regardés comme péremptoires.

Supposons qu’il s’agisse d’entonner successivement les deux sons ut, mi ; ce dernier, étant considéré comme un produit de la progression triple, aura pour expression numérique 81, comme quatrième douzième à la suite de l’ut fondamental pris pour unité ; et rapproché ensuite de six octaves, il forme avec l’ut l’intervalle 64, 81. Or, la résonnance de l’ut entraîne celle d’un mi (80) ; et l’on peut dire, sans aucune prévention systématique, que l’oreille est déjà disposée à la sensation de ce mi, dont l’ut lui a donné, en quelque sorte, le sentiment ; tandis qu’il n’est nullement raisonnable de penser que le sentiment de la douzième soit assez fort pour lier la sensation du mi (81) à celle de l’ut, y ayant ici quatre générations consécutives dont il est impossible à l’oreille de se rendre compte. Dans le premier cas, il y a sensation immédiate du mi dans celle de l’ut ; et, dans le second, il n’y a qu’un rapport éloigné que l’esprit seul peut apercevoir, et dont le résultat est combattu par le sentiment actuel qui naît de la résonnance, et qui exclut celui d’un produit sans analogie avec elle.

D’où l’on peut conclure qu’un diagramme entièrement déduit de la progression triple ne présente qu’une suite de sons indépendans, ne tenant à aucun système commun, et n’ayant entre eux aucune liaison directe fondée sur la sensation ; que ces sons, étant rendus librement par les cordes harmonieuses d’un instrument, manifesteraient à l’oreille, dans certaines transitions, l’incohérence, l’opposition même qui résulteraient de leur nature respective et intrinsèque, telle serait, entr’autres, la résonnance successive des cordes ut (64) et mi (81) ; qu’en con-