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DES AVEUGLES.

n’est-ce que cela ? dès qu’ils sauront que, pour parvenir à son but, l’aveugle de naissance n’a besoin de recourir qu’à des procédés assez naturels, et tels que le simple bon sens pourrait facilement le suggérer à tout homme qui voudrait prendre la peine d’y réfléchir.

Si cette appréhension, quelque fondée qu’elle me paraisse, ne m’a pas semblé un motif suffisant pour me dispenser de satisfaire, Monsieur, à ce que vous m’avez fait l’honneur de demander de moi, je crois du moins pouvoir m’en autoriser pour donner à cette lettre aussi peu d’étendue que la nature du sujet pourra le permettre : sauf ensuite à revenir, une autre fois, sur ce même sujet, si, des éclaircissements ultérieurs sont jugés nécessaires.

Je vais donc exposer, aussi succinctement qu’il me sera possible, la méthode qui me paraît la plus convenable, pour enseigner les mathématiques à un aveugle de naissance, auquel je supposerai d’ailleurs qu’on procure toutes les ressources et facilités que sa situation peut lui rendre utiles. Je dirai, en même temps, quelque chose des moyens que cet aveugle doit ensuite mettre en usage, pour communiquer les connaissances qu’il parvient à acquérir. Je me citerai souvent moi-même en exemple ; car, si l’on en excepte peut-être Saunderson, la plupart des aveugles qui m’ont précédé, se sont peu mis en peine d’instruire le public de leurs procédés.[1]

À l’aide d’un instrument dont il était l’inventeur, Saunderson exécutait toutes les opérations de l’arithmétique, et traçait toutes les figures rectilignes de la géométrie ; mais on ignore comment il s’y prenait pour faire des calculs algébriques, et on ne sait pas davantage comment, à l’aide de cet instrument, il parvenait à enseigner

  1. On trouve quelques détails sur ce sujet dans les Mélanges physico-mathématiques de M. Bérard, principal et professeur de mathématiques au collège de Briançon, page 182.
    J. D. G.