Il est de fait que le calcul différentiel est né des besoins de la géométrie. Or, le calcul algébrique, qui s’occupe essentiellement de la quantité discrète, c’est-à-dire, des nombres, ne peut s’appliquer à la quantité continue, c’est-à-dire, à l’étendue, que lorsqu’on suppose que les variations numériques deviennent arbitrairement ou indéfiniment petites. Ainsi, le moyen d’union entre le calcul et la géométrie est nécessairement la méthode des limites ; c’est pourquoi les inventeurs, et les bons esprits qui sont venus après, ont pris, ou du moins indiqué, pour méthode à d’exposition et d’application du calcul différentiel, celle des limites.
Newton n’a point, comme Mac-Laurin et quelques autres de ses compatriotes, transporté sans ménagement la mécanique dans son calcul des fluxions ; sa théorie est fondée sur celle des dernières raisons des quantités ; et, suivant lui, Ultimœ rationes reverà non sunt rationes QUANTITATUM ULTIMATUM, sed LIMITES ad quos rationes semper appropinquant. (Livre 1.er des Principes, Scolie sur le lemme xi) ; principe très-lumineux, et qu’on n’a pas assez remarqué.
Leibnitz, co-inventeur, professait la même doctrine ; il a constamment donné ses différentielles pour des quantités incomparablement petites ; et, dans les applications, il a toujours cru qu’on pouvait rendre les démonstrations rigoureuses par la méthode d’Archimède ; celle, des limites… Quod etiam Archimedes sumsit aliique post ipsum omnes, et hoc ipsum est quod dicitur differentiam esse datâ quâvis minorent ; et Archimede quidem PROCESSU res semper deductione ad absurdum confirmari potest. (Réponse aux difficultés de Nieuwentiit ; œuvres, tom. 3.me, page 328). D’ailleurs, ce savant homme n’a jamais admis de quantités infiniment petites, dans le sens propre de ce terme. On connaît la discussion assez longue qui a existé entre lui et Jean Bernouilli à cet égard ; discussion dans laquelle il a constamment tenu la négative (Voyez le Commerce épistolaire entre ces deux illustres géomètres, publié ; par Cramer).