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RÉFLEXIONS

Euler ne parle pas un autre langage, dans la belle préface de ses Instiiutiones calculi differentialis… Hic autem LIMES qui quasi rationem ultirnam incrementorum constituit, verum est objectum calculi differentialis. Et si, dans le cours de son livre, il échappe à ce grand homme quelques expressions un peu dures, on doit, ce me semble, les interpréter bénignement, d’après ce principe formellement reconnu.

On sait que d’Alembert s’est distingué parmi les géomètres qui ont appliqué la méthode des limites au calcul différentiel. Ainsi, on ne doit point être surpris de compter dans les mêmes rangs les bons géomètres qui sont venus après : tels que Karoten, Kœstner, Holland, Tempelhof, Vincent Ricati et Saladini, Cousin, Lhuilier, Paoli, Pasquich, Gourief, etc. Il ne serait d’ailleurs pas difficile de faire voir que les méthodes particulières, telle que celle des Fonctions dérivées de l’immortel Lagrange, laquelle a de nombreux sectateurs, et celle des indéterminées, proposée ou recommandée par Boscowich, Naudenot, Arbogast, Carnot, etc., reviennent foncièrement à celle des limites. Comment est-il donc arrivé que cette étrange méthode des infiniment petits ait acquis, du moins sur le continent, tant de célébrité ; et même qu’elle soit parvenue à placer son nom parmi les synonymes de méthode différentielle ?

Je pourrais, si j’en avais le loisir, assigner à cette usurpation plusieurs causes probables ; mais ce qui m’étonne d’avantage, c’est que la méthode des infiniment petits conserve encore, non seulement des sectateurs, mais des fauteurs enthousiastes : écoutons un moment, un de ces derniers, et admirons ! « Le soin d’éviter l’idée de l’infini dans des recherches mathématiques, prouve incontestablement, outre une routine aveugle, une véritable ignorance de la signification de cette idée ; et nous ne craignons pas d’avouer que nous croyons anticiper sur le jugement de la postérité, en déclarant que, quelque grands que puissent être les travaux de certains géomètres, le soin qu’ils mettent à imiter les anciens, dans l’exclusion de l’idée de l’infini, prouve, d’une manière irréfragable,